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Il est superflu d’ajouter que dès qu’ils s’approchèrent d’eux, cette excuse s’évanouit[1]. »


IV

On ne sera pas surpris maintenant que Fox, à son retour en Angleterre, y trouvât un réveil d’opinion belliqueuse. Quoique tes pouvoirs publics fussent encore pour la paix, le mouvement nouveau devait se prononcer chaque jour d’avantage, et la France, il faut le dire, ne faisait rien pour l’arrêter. Il n’est pas de notre sujet de discuter les questions qui divisaient les deux pays. Avec Fox et le grand historien de cette époque, nous croyons que le premier consul voulait sincèrement garder la paix avec Y Angleterre ; mais il ne prenait pas les moyens d’en rendre le maintien possible. C’était son génie que d’user hardiment de sa fortune et de ne rien dissimuler de sa grandeur. Sans violer positivement les stipulations d’Amiens, il n’épargna à l’Europe aucune des conséquences de son infériorité. À mesure que ces conséquences se développaient, c’était pour l’Angleterre une nouvelle preuve des progrès de notre puissance, une nouvelle révélation des côtés faibles du traité. Si la paix, en général, est destinée à faire vivre les nations dans un sentiment commun de calme bienveillance et de cordiale équité, ce sentiment n’existait pas : chaque jour un événement nouveau provoquait une irritation nouvelle.

Sous ce rapport, je n’hésite pas à dire que le premier consul fit des fautes si, comme je le crois, il ne cherchait pas la guerre. Ce n’est pas la seule fois que ses manières causèrent plus de mal que ses actions, et que les formes de sa politique compromirent sa politique. Il oubliait trop qu’il traitait avec le gouvernement d’une nation libre. « Il se fâchait follement, dit Fox, contre la presse anglaise, » Il s’en plaignait comme si quelqu’un en était le maître, et lui, le maître de tout, il ne ménageait personne dans son Moniteur. Même quand il avait raison, sa façon léonine de raisonner gâtait le bon droit. Aussi l’orgueil de part et d’autre fut-il la cause principale de la rupture.

Nous pouvons aisément nous représenter Fox dans ces difficiles circonstances. Il espérait, le maintien de la paix, il le désirait surtout ; il s’exagérait certains dangers de la guerre ; il doutait que les finances anglaises pussent supporter un si grand effort ; il croyait trop à l’isolement prolongé de sa nation dans la lutte nouvelle qu’elle pouvait entreprendre. Cependant il ne se trompait pas en regardait la guerre comme funeste à la cause constitutionnelle, comme favorable aux empiétemens

  1. Mes rapports avec le premier consul, Mémoires, t. V, p. 202. Voyez les lettres à Fox et Fitzpatrick.