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comme il le désirait, rien n’est arrivé comme il l’avait prévu. Si les revers de sa politique n’ont pas été funestes à la richesse et à la puissance de son pays, c’est contre son espérance et en dépit de ses projets. Assurément il ne pouvait deviner quelle serait l’influence d’une guerre prolongée, d’une création énorme d’effets publics, de l’isolement et du blocus commercial sur l’activité productive et la prospérité féconde de l’Angleterre, et sa prudence s’inquiétait même des sacrifices qu’il lui imposait sans en prévoir les compensations ; Enfin les nécessités du moment, les difficultés de la lutte ont amené, sous lui et après lui la formation d’un système et d’un parti de gouvernement auquel on ne peut guère accorder d’autre mérite que celui de l’énergie et de la persévérance, mais qui, pour la justice, la modération, la générosité, la sincérité, la prévoyance, risquait de mettre l’Angleterre au niveau des monarchies du continent. Tout cet ouvrage des circonstances, toute cette machine de guerre n’a plus été, à partir de 1815, qu’un instrument vieilli d’oppression. L’hypocrisie politique s’est maintenue quelque temps dans ses ouvrages, mais enfin la brèche s’est faite, il a fallu se rendre et changer même de drapeau. Si la politique qui a voulu exploiter Waterloo est celle de Pitt, ne parlez pas tant de sa durée ni de sa fortune. Encore un peu de temps, et la victoire a passé à la politique opposée. Un jour ce Canning, qui rêvait, il y a cinquante ans, de retremper l’une des politiques par l’autre, a ébauché en mourant la coalition qu’il avait manquée une première fois. Cette question de l’Irlande et des catholiques, que Fox dans ses dernières années regardait comme la pierre de touche des hommes et des partis, a pris un jour une telle gravité, que les plus courageux et les plus habiles des tories ont fait défection pour la résoudre contre les principes de leur vie entière. Ainsi peu à peu c’est la politique de Fox qui a pris le dessus, et depuis 1830 elle règne presque sans débat. Depuis 1830, ce réveil de la révolution française, c’est la politique de Fox qui gouverne l’Angleterre et qui préside à ses relations avec la France. Certes la France y est pour quelque chose ; quand elle se montre sous ses traits véritables, quand la révolution n’écoute que son bon génie, l’Angleterre a moins de peine et de mérite à lui rendre justice ; les fantômes évoqués par Burke s’évanouissent, et les choses apparaissent en pleine lumière, telles que Fox s’obstinait à les voir, malgré le nuage orageux qui les cachait. Qui doute cependant que les vrais intérêts, les vraies traditions de l’Angleterre, le développement naturel de ses institutions et de ses idées ne soient dans le sens de ce qui s’y passe, et que depuis vingt-cinq ans elle ne soit en général gouvernée suivant sa nature ? Et qui donc a eu l’honneur, il y a vingt-cinq ans, d’inaugurer ce retour à la politique libérale ? C’est l’ami, le lieutenant,