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du cuivre, de l’étain, du zinc et du plomb. Le bronze est toujours plus dur et plus fusible que le cuivre. D’autant plus cassant qu’il contient plus d’étain, la trempe le rend alors plus parfaitement malléable[1]. La densité du bronze est supérieure à la densité moyenne des métaux qui le composent. Il s’oxyde lentement, même à l’air humide. Néanmoins, fondu, au contact de l’air, il s’oxyde alors facilement, et l’oxydation de l’étain et du zinc marchant plus vite que celle du cuivre, l’alliage qui reste perd ses proportions primitives.

La dureté remarquable du bronze, la finesse de son grain, la résistance de cet alliage à l’action oxydante de l’air humide, la fusibilité et la fluidité qui le rendent capable de prendre l’empreinte des moules les plus délicats, le désignaient naturellement à la fabrication des objets d’art. Grâce à ces propriétés précieuses, on retrouve tous les jours encore des médailles enfouies depuis plusieurs siècles dans des terrains humides, et qui n’ont rien perdu de leur finesse première. Chez les anciens, le bronze servait à tous les usages pour lesquels nous employons maintenant avec plus d’avantage le fer, l’acier et la fonte. Aujourd’hui l’emploi du bronze se réduit à la fabrication des canons, des monnaies, des cloches, des tam-tams, des cymbales, des timbres d’horlogerie et des miroirs de télescope. Chacun de ces bronzes a une composition particulière ; c’est l’alliage destiné aux statues qui doit seul nous occuper ici.

Les alliages de cuivre, renfermant de 7 à 11 pour 100 d’étain, ou même d’étain, de zinc et de plomb, sont les plus propres à la fabrication des bronzes d’art. Dans les temps antiques, les bronzes de Corinthe étaient les plus renommés ; il y entrait, dit-on, une petite quantité d’or et d’argent. Toutefois l’airain des anciens contenait de 12 à 14 pour 100 d’étain. Cette composition fut à peu près celle des bronzes de la renaissance. Au XVIIe siècle, les frères Keller qui attachaient à la composition de leurs bronzes une importance dont on a fait depuis trop bon marché, adoptèrent pour leurs statues de Versailles une formule moyenne dans laquelle il entrait de 8 à 9 parties d’étain, de zinc et de plomb, contre 92 à 91 de cuivre. Aujourd’hui, si la composition du bronze des statues est demeurée à peu près ce qu’elle était autrefois, l’industrie des bronzes d’art proprement dits se livre à des combinaisons où la fantaisie domine trop. C’est que le bronze était jadis un objet de luxe abordable seulement pour les grandes fortunes. Les grandes fortunes ont disparu, mais le luxe est passé dans les mœurs, et il est devenu pour tous une nécessité : de là pour l’industrie l’obligation de fabriquer du bronze à bas prix, c’est-à-dire du bronze de mauvaise qualité. La cherté du cuivre force alors trop souvent le fondeur à économiser ce métal et à exa-

  1. C’est sur cette propriété singulière qu’est fondée la fabrication des tam-tams chinois.