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que nous aurons à citer du XIVe au XVIIIe siècle ; mais ce procédé est abandonné maintenant, ou n’est plus employé que par exception. Il exigeait des frais énormes, un temps considérable, et il était en outre soumis à des chances de non-réussite que l’industrie moderne ne peut plus courir. Enfin il demandait l’intervention directe de l’artiste. On doit se contenter ici de rappeler les diverses phases de cette opération compliquée. Il fallait, pour une statue par exemple, faire sur le modèle un moule en plâtre, le garnir d’une couche de cire égale à l’épaisseur que devait avoir le bronze, construire dans la cavité du moule une armature formée de pièces de fer capables de soutenir le noyau[1], y couler ce noyau auquel allaient adhérer les cires, réparer les cires (travail qui ne pouvait être confié qu’à l’artiste lui-même), les renfermer dans un moule épais et solide appelé moule de potée[2], dans lequel on ménageait des canaux dont les uns (les jets) recevraient le bronze en fusion, et dont les autres (les évents) donneraient issue aux gaz et à l’air déplacé par l’alliage métallique. Il fallait ensuite, après avoir armé le moule de potée de forts bandages de fer, fondre les cires, opération très délicate et fort longue (pour de grandes fontes elle durait jusqu’à trois semaines)[3]. Enfin on revêtait le moule d’une dernière chemise en plâtre, on le plaçait dans de la terre fine assez fortement foulée pour qu’elle opposât une résistance suffisante aux efforts terribles du métal en fusion. On ne voyait plus alors du moule que les bouches des jets dans lesquels on allait couler le bronze, et des évents par lesquels les gaz et l’air déplacé allaient trouver une issue facile.

Ces quelques mots suffisent pour montrer toutes les longueurs, toutes les difficultés du moulage en cire. Et comme si ces difficultés n’étaient pas suffisantes, on les exagérait encore en voulant sans cesse tenter les fontes d’un seul jet. Contrairement à la pratique des anciens, qui fractionnaient le plus possible la fonte de leurs bronzes, il semble que depuis la renaissance jusqu’au xviiie siècle le but unique des meilleurs fondeurs ait été de couler leurs monumens d’une seule pièce. Nous avons montré comment la constitution atomique des alliages métalliques s’opposait à ces fontes colossales. Aussi les voyons nous presque toujours manquées, refaites et rac-

  1. Le noyau (qu’on formait d’un mélange le plâtre et de brique) est la partie pleine qui remplit la cavité du moule, en laissant seulement entre elle et ce moule un vide égal à l’épaisseur qu’on veut donner an bronze. Cette épaisseur était ici représentée par la couche de cire dont on avait garni le moule en plâtre. On comprend que sans ce noyau le bronze coulé dans le moule serait massif.
  2. Ce moule tirait son nom de la composition (nommée potée) dont il était formé : c’était un mélange de terre, de crottin de cheval, et de fragmens de creusets blancs bien pulvérisés.
  3. Les cires disparaissaient alors complètement (d’où le nom de cire perdue donné à ce moulage).