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Les mémoires du temps abondent en piquans détails sur ces premières et platoniques amours de Louis XIII. Écoutons Mademoiselle[1] : « La cour étoit fort agréable alors. Les amours du roi pour Mlle de Hautefort, qu’il tâchoit de divertir tous les jours, y contribuaient beaucoup. La chasse étoit un des plus grands plaisirs du roi ; nous y allions souvent avec lui. Mlle de Hautefort, Chémerault et Saint-Louis, filles de la reine ; d’Escars, sœur de Mlle de Hautefort, et Beaumont venoient avec moi. Nous étions toutes vêtues de couleur, sur de belles haquenées richement caparaçonnées, et, pour se garantir du soleil, chacune avoit un chapeau garni de quantité de plumes. L’on disposoit toujours la chasse du côté de quelques belles maisons, où l’on trouvoit de grandes collations, et au retour le roi se mettoit dans son carrosse avec Mlle de Hautefort et moi. Quand il étoit de bonne humeur, il nous entretenoit fort agréablement de toutes choses… L’on avoit régulièrement trois fois la semaine le divertissement de la musique…, et la plupart des airs qu’on chantoit étoient de la composition du roi ; il en faisoit même les paroles, et le sujet n’étoit jamais que Mlle de Hautefort. »

Louis XIII était en effet très capable de composer des vers et de les mettre en musique ; mais la plupart du temps il empruntait le secours d’un poète et d’un musicien à la mode. On a des Stances pour le Roi à madame de Hautefort, de la main de Benserade et de Boisset, qu’un enfant, représentant l’Amour, adressait à un autre enfant, la jeune Marie. Il faut espérer que l’air valait mieux que les paroles. Ne pouvant les chanter, nous les supprimons[2] ; mais voici un couplet d’une autre chanson dont l’auteur est inconnu, et qui, ce nous semble, peint avec assez de grâce le charme qu’exerçait Mlle de Hautefort sur l’humeur chagrine de son royal amant :

Hautefort la merveille
Réveille
Tous les sens de Louis,
Quand sa bouche vermeille
Lui fait voir un souris.

Quand Mlle de Hautefort n’aurait pas été aussi sage que belle, l’amour du roi ne lui aurait pas été fort dangereux. Tous les soirs, il l’entretenait dans le salon de la reine, mais il ne lui parlait la plupart du temps que de chiens, d’oiseaux et de chasses, et, la craignant et se craignant lui-même, il osait à peine en lui parlant s’approcher d’elle. On raconte qu’un jour étant entré à l’improviste chez la reine et ayant trouvé Mlle de Hautefort tenant un billet qu’on venait

  1. Mémoires de Mademoiselle, édition d’Amsterdam, t. Ier, p. 33.
  2. On peut les voir dans les Œuvres de Benserade, édition de 1697, t. Ier, p. 191.