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d’avoir un air de majesté dans toute sa personne qui imprime à la fois le respect et l’amitié[1]. »

Le portrait de Mme de Hautefort, sous le nom d’Olympe, qui se trouve à la suite des Divers Portraits de Mademoiselle, la représente vers cet âge de quarante ans, si redoutable à la beauté imparfaite et fragile, mais qui met la solide et vraie beauté dans tout son lustre, que va bientôt suivre un inévitable déclin. Ce n’est plus l’Aurore des poètes de Louis XIII ; c’est, pour continuer leur langage, l’astre lui-même à son coucher. Ses blonds cheveux ont à peine changé leur teinte délicate pour celle du brun clair le plus agréable. Elle avait donc vaincu le temps, mais nous doutons fort qu’elle pût résister à la description insipide et maniérée que nous épargnons au lecteur[2].

Comment admettre qu’une beauté pareille, deux fois favorite d’un roi, l’objet de tant d’adorations, et qui plus tard devint la femme d’un des hommes les plus considérables de son temps, n’ait pas souvent exercé le pinceau et le burin des meilleurs artistes du XVIIe siècle ? Et pourtant on chercherait en vain la belle Marie dans la riche galerie de Versailles, dans celle que Mademoiselle avait rassemblée au château d’Eu, et dans les diverses collections célèbres. On n’en a même d’autre portrait gravé que celui de la collection de Desrochers, si médiocre et si lourd. Il n’est pas aisé d’y reconnaître Olympe dégradée par un burin vulgaire. Cependant voilà bien encore ce grand front, ces grands yeux, cette abondante chevelure, flottant sur d’admirables épaules, ce cou bien fait, ce sein magnifique, qui, pour revivre dans toute leur beauté, demandaient le talent brillant et doux de Poilly ou de Nanteuil.

Bien convaincu qu’il devait se trouver quelque part un portrait de la belle dame perdu dans quelque galerie particulière ou dans le coin d’un château de province, nous avons porté nos recherches partout où pouvait nous conduire la moindre espérance, et nous avons eu enfin la bonne fortune de rencontrer ce que nous avions tant désiré dans une noble famille alliée de celle des Hautefort. Lorsque le second frère de Marie, le comte de Montignac, épousa

  1. C’est à la vie manuscrite qu’appartient ce passage trop abrégé dans la vie imprimée. Celle-ci, en retour, s’étend un peu plus sur le mélange de majesté et de douceur qui semble bien avoir été le caractère de la beauté de Mme de Hautefort.
  2. Les Divers Portraits parurent en 1659, et il y en eut cette même année deux autres éditions sous le titre de Recueil des Portraits et des Éloges en prose, dédiés à Son Altesse Royale Mademoiselle. C’est la seconde de ces éditions, plus ample que la première, qui donna pour la première fois le portrait de Mme de Hautefort, qui de là a passé dans la Galerie des Peintures, 2 volumes, 1663. Ce portrait, publié en 1659, et composé sans doute quelque temps auparavant, montre donc Mme de Hautefort entre quarante et quarante-trois ans.