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Marthe d’Estourmel, il aura sans doute apporté dans la maison où il entrait un portrait de sa sœur, qui y est resté depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours. Nous l’avons eu entre les mains, nous l’avons longtemps examiné, et nous pouvons nous flatter d’avoir vu Marie de Hautefort dans tout l’éclat de sa beauté, vers l’âge qu’elle avait à l’époque de son histoire où nous sommes arrivés. La peinture n’est assurément pas d’une grande finesse, mais la vie n’y manque point, et l’on croit volontiers à la ressemblance. Les traits les plus frappans des trois descriptions que nous avons reproduites s’y retrouvent relevés par le charme et la fraîcheur de la jeunesse. Marie de Hautefort est représentée en buste. Elle a d’abondans cheveux blonds agréablement bouclés, le front haut, les yeux bleus et grands, le nez légèrement aquilin, la bouche petite, les lèvres d’un rouge brillant, une petite fossette au menton, les joues pleines et colorées, l’ovale du visage parfait, le cou rond et assez fort, de belles épaules, le sein, que voile à demi une sorte d’écharpe en mousseline, ample et bien formé. Elle a des perles aux oreilles, un collier de perles et une agrafe de perles à la poitrine. Elle porte une sorte de cuirasse de fantaisie qui se termine aux épaules et à la ceinture par des ornemens en or et des rubans. L’ensemble a plus de force et de noblesse que de légèreté et de grâce. Marie de Hautefort nous rappelle cet idéal de la vraie et grande beauté que nous avons autrefois retracé, au scandale des jolies femmes[1] ; elle est de la famille de Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse de Condé, de sa fille, Mme de Longueville, de Mme de Montbazon et de Mme de Guyméné, de la princesse Marie de Gonzague et de sa sœur Anne la Palatine. Elle était faite pour figurer avec elles dans ce paradis de la beauté qui s’appelle la cour de Louis XIII et de la régente. Elle en était une des étoiles les plus brillantes, et certainement la plus pure.


IV

Revenue auprès de la reine à la fin de mai 1643, Mme de Hautefort pouvait se promettre, ainsi que nous l’avons dit, de longs jours heureux. Elle était dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté, au comble de la considération et de la faveur. Anne d’Autriche lui avait promis de l’aimer toute la vie. Cependant, au bout de quelques mois, le charme de l’ancienne amitié était à jamais rompu, et une année n’était point écoulée que Mme de Hautefort recevait l’ordre de quitter la cour.

  1. Voyez la Revue au 1er août 1851.