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sous l’humble toit de Rebb Schlome se reproduira du haut en bas sous des formes différentes. Puisse l’esprit libéral et humain de notre XIXe siècle triompher partout comme ici ! L’oppression entretenait chez les Juifs un levain de défiance et de haine. Relevés de la malédiction séculaire, ils comprendront leurs devoirs et dépouilleront le vieil homme. Est-ce donc à nous de répéter les imprécations des prophètes ? est-ce à nous de célébrer la vérification de ces menaces et de montrer avec orgueil les enfans d’Israël dispersés et captifs, « n’ayant, dit Bossuet, aucune terre à cultiver, esclaves partout où ils sont, sans honneur, sans liberté, sans aucune figure de peuple ? » Saint Paul, dans un magnifique passage, objet d’explications bien diverses, a fait une prédiction toute différente : il annonce la conversion future et peut-être un règne nouveau d’Israël. À Dieu ne plaise, s’écrie l’apôtre, que les Juifs soient tombés pour ne se relever jamais ! Les gentils, qui s’enorgueillissent de leur supériorité présente, ne sont après tout « qu’une branche de l’olivier sauvage entée dans l’olivier franc contre l’ordre naturel, et combien plus facilement les branches naturelles de l’olivier même seront-elles entées sur leur propre tronc ! » Laissons les théologiens expliquer ces merveilleuses promesses ; nous, au nom de la seule humanité, au nom des bienfaisans principes de 89, réjouissons-nous de voir, comme dans ce tableau de Rebb Schlome, les Juifs émancipés comprendre vaillamment leur tâche et effacer de leurs fronts les derniers stigmates de la servitude.

Telle devrait être, à ce qu’il semble, la conclusion de cette touchante histoire. Ce n’est pas cependant ainsi que se termine la prédication de M. Léopold Kompert. Commencé avec une joie patriotique, ce livre finit tristement. — L’année dernière, dit l’auteur, un cruel chagrin est venu frapper la famille de Rebb Schlome ; les droits accordés aux Juifs en 1849, un décret de 1854 les leur a retranchés en partie. Sans doute les dispositions de ce décret ne peuvent s’appliquer à Rebb Schlome, car les titres antérieurs sont respectés ; mais ce droit de Rebb Schlome lui était précieux, surtout quand il s’y sentait uni avec les hommes de sa race. Peut-il jouir maintenant de son héritage, tandis que ses frères sont replongés par milliers dans ces gouffres obscurs où ne pénètre pas la lumière du droit commun ? Toutefois le dernier mot n’est pas dit sur cette question. Rebb Schlome, pour ce qui le regarde, est persuadé que son empereur, dans sa bonté souveraine, restituera un jour aux Israélites de ses états ce droit d’être citoyen et de posséder la terre. Je le crois aussi ; quand de telles peintures peuvent être tracées par une plume si impartiale, quand la scrupuleuse enquête d’un écrivain comme M. Léopold Kompert donne de si consolans résultats, il est impossible de faire peser de nouveau