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de l’église, sa foi débordait en cris du cœur ; à ceux qui opposaient à ses promesses pour la délivrance d’Orléans l’extravagance d’une telle tentative, elle répondait que Dieu était plus puissant que les hommes ; à ceux qui lui citaient des textes, la sublime ignorante, l’œil au ciel et le dédain sur les lèvres, disait que « plus de choses étaient écrites au livre de Messire qu’aux livres des docteurs. »

Le procès-verbal des actes de Poitiers n’a malheureusement pas été conservé ; mais plusieurs membres de la commission formée dans cette ville en 1429 furent entendus dans l’enquête de 1456, et leurs dépositions attribuent à Jeanne devant les commissaires des réponses dont le ton laisse déjà pressentir son admirable attitude devant ses juges. L’impression profonde produite par sa parole est surtout constatée par Régnault de Chartres, archevêque de Reims, dont le témoignage ne saurait être suspect ; ce personnage en effet subit le plus tard possible l’ascendant de Jeanne d’Arc, et le secoua bientôt au point de jouir de ses épreuves et d’applaudir à son malheur.

Durant de longues semaines, ces impassibles docteurs, traitant cette jeune fille comme un bachelier en théologie, portèrent le scalpel dans toutes les fibres de son cœur, dans tous les replis de sa naïve intelligence, sans y découvrir autre chose que des trésors infinis de patriotisme et de pureté. Aussi déclarèrent-ils à l’unanimité que la doctrine de la pucelle étant irréprochable comme sa vie, le roi pouvait, sans compromettre sa conscience, accepter ses services dans l’extrémité à laquelle étaient réduites ses affaires. Avant de paraître sur le champ de bataille et de rencontrer les Anglais, Jeanne avait triomphé de ses plus dangereux ennemis ; elle avait eu raison des esprits forts et des fanatiques.

Quelque faveur qu’elle trouvât dans le peuple, elle ne s’imposa donc point à Charles VII par un de ces entraînemens soudains très communs au moyen âge. Dès le premier jour de sa carrière, elle rencontra dans les hommes d’église, dans les hommes de gouvernement et dans les hommes de guerre, des résistances qui finirent par dégénérer chez plusieurs en invincibles antipathies. Au sein de son propre parti, ses actes furent souvent dénaturés par la malveillance, toujours contrôlés par la plus sévère observation : aussi n’est-il aucun personnage dont la vie soit éclairée par des témoignages plus nombreux et plus considérables. Les faits que nous avons rappelés, ceux que nous aurons à rapporter encore, s’appuient sur des actes authentiques ou des preuves testimoniales qui manquent à coup sûr aux événemens les plus avérés, et jamais le merveilleux ne toucha d’aussi près à la certitude historique ; Il serait moins téméraire de nier, l’expédition d’Alexandre ou la conspiration de Catilina que de contester les circonstances principales de la vie de Jeanne d’Arc : ou