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sur l’oreiller, ferma les yeux, et ne remua plus. Le médecin, qu’on était allé chercher, ne put jamais la tirer de cet état. Elle est comme morte depuis ce moment ; nous savons seulement qu’elle existe.

Gérard avait écouté ce récit les yeux fixés sur Thérèse : il craignait de parler de peur d’éclater en sanglots ; cependant il demanda à Mme  de Lubner l’heure et le jour précis où Thérèse avait poussé ce grand cri qui avait mis toute la maison en rumeur. Il apprit par sa réponse que le jour et l’heure concordaient avec la découverte que Mme  Clotilde avait faite du portrait de Thérèse.

Gérard se leva en chancelant. — Elle m’avait dit qu’elle en mourrait ! murmura-t-il.

Il prit tout à coup les mains de Thérèse entre les siennes, et sans savoir ce qu’il faisait, dans un mouvement d’exaltation et de désespoir, avec des cris, des larmes et des baisers, il se jeta sur le corps inanimé de la pauvre fille. Il était comme fou, et la suppliait de ne pas mourir. Comme il l’étreignait dans ses bras, il sentit un souffle léger passer sur ses lèvres.

Il se releva d’un bond.

— Elle respire ! s’écria-t-il.

Le médecin, qu’on fit venir en toute hâte, trouva un certain changement dans l’état de Thérèse. — Oui, dit-il, le cœur bat… Tout dépend de la crise qui suivra son réveil.

Vers le soir, Thérèse ouvrit les yeux : elle regarda autour d’elle, vit Gérard, poussa un cri, et lui tendit les bras. Il s’y jeta, et presqu’au même instant elle éclata en sanglots.

— Elle est sauvée ! s’écria le médecin.

— Ah ! ne nous quittez plus, dit Mme  de Lubner en s’attachant aux mains de Gérard.

Mais ce n’était pas tout que de lui avoir rendu la santé du corps, il fallait encore rendre à Thérèse la santé de l’esprit, et là n’était pas le moins difficile. Sa convalescence fut assez longue et demanda beaucoup de ménagemens ; l’ébranlement qui l’avait mise aux portes du tombeau avait laissé des traces profondes qui ne pouvaient pas être effacées en quelques jours. La sensibilité de Thérèse, déjà excessive, était surexcitée ; la moindre émotion la faisait pâlir ou trembler ; elle était en quelque sorte comme une harpe dont les cordes tendues résonnent au plus léger vent. On aurait dit que la vie, un instant chassée de ses lèvres, avait peine à s’y rasseoir. Gérard, qui passait auprès d’elle ses journées entières, remarqua que Thérèse éprouvait des troubles et une inquiétude qui ne lui étaient pas habituelles. Il la surprenait souvent la tête dans ses mains, immobile et pensive, comme si elle eût écouté au fond de son âme le bruit d’un travail mystérieux. Elle regardait en dedans, comme elle disait elle--