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Les notions astronomiques et physiques qui servent de base à cette étude sur les saisons des planètes solaires sont de celles que les observateurs, préoccupés principalement des lois du mouvement de ces planètes, ont presque entièrement négligées. L’astronomie physique exige en effet des télescopes très puissans, une dextérité spéciale dans le maniement de ces grands instrumens et une assiduité constante à saisir toutes les heures favorables à la vue des phénomènes, malgré les caprices météorologiques de l’atmosphère et la présence souvent gênante de l’illumination lunaire quand on observe de très faibles objets. Parmi ceux qui ont eu le courage de créer des télescopes gigantesques et de s’en servir, on peut citer William Herschel et lord Rosse, quoique ce dernier ait encore peu fait pour l’astronomie planétaire. Qu’il me soit permis de répéter ici, après Laplace, qu’un télescope de grandeur moyenne comme ceux de sir John Herschel, ou comme ceux de trois pieds anglais qu’on se propose d’expédier bientôt au cap de Bonne-Espérance, étant transporté dans les montagnes de l’équateur ou même sur nos Alpes ou sur nos Pyrénées, au-dessus des couches vaporeuses de l’air des plaines, nous montrerait sur la constitution physique de la lune et des planètes mille particularités qui nous seront à jamais insaisissables dans le fond de l’atmosphère épaisse où nous sommes relégués ordinairement. Toutes les questions qui se rapportent aux jours et aux atmosphères des planètes, à l’état de leur surface, pourraient obtenir une solution, et d’autres points non moins importans, savoir l’existence d’une planète plus près du soleil que Mercure, celle d’un satellite de Vénus, aussi bien que la détermination exacte du nombre de ceux qui circulent autour de Saturne, d’Uranus et de Neptune. Je ne parle pas des comètes, des nébuleuses de la voie lactée, de la lumière zodiacale, et de bien d’autres sujets de recherches.

La conclusion naturelle de ce qui précède serait un tableau des habitans de ces planètes dont nous avons indiqué les climats et les saisons. Ce n’est pas tout de bâtir une maison, il faut encore la peupler. Or les notions positives sur les habitans des planètes autres que la Terre sont de celles que probablement on ne pourra jamais obtenir de la science observatrice. Le champ reste donc ouvert aux spéculations métaphysiques, théologiques ou philosophiques, et il n’est pas besoin d’études très profondes dans les sciences pour se lancer dans cette voie. Il suffit que les créations de l’imagination ne blessent aucun des faits constatés par l’observation. On peut du reste affirmer que dans aucune planète, excepté peut-être dans Mars, l’organisme humain ne pourrait continuer à vivre. Les habitans de ces planètes doués ou non d’intelligence ne sont donc point des hommes. Que sont-ils, que peuvent-ils être ? À toutes ces questions, si l’on ne veut pas sortir des limites de la science des faits, de la vraie science positive, il n’y a qu’une réponse à faire : il faut savoir ignorer !


Babinet, de l’Institut.