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quences de ce principe telles qu’elles sont prêtées et formulées ? Ce serait là sans nul doute un grand acheminement vers la paix, le gage d’une conciliation possible. Et ce point une fois admis, les grandes puissances ne pourraient-elles pas, en définitive, se dispenser de rechercher en dehors de la neutralisation de l’Euxin de nouvelles garanties matérielles ? Que si cette condition, telle qu’elle est stipulée, semble encore rigoureuse, qu’on se souvienne que la Russie a toujours procédé de la même façon, faisant des concessions tardives, attendant que l’heure fût passée, et n’accédant à un système de transaction que quand les puissances occidentales, avaient acquis le droit de raffermir la sécurité de l’Europe sur des bases plus fortes. M. de Seebach, qui représente la Saxe à Paris et qui vient de faire un voyage à Pétersbourg, aura pu éclairer l’empereur Alexandre aussi bien que le vieux chancelier de Russie, dont il est le gendre, et apporter des impressions exactes sur les dispositions réelles de l’Occident à l’appui des dernières décisions du gouvernement du tsar.

À vrai dire, la Russie eût moins hésité, sans doute, elle hésiterait moins encore en ce moment peut-être, si elle n’eût trouvé en Allemagne le complaisant appui d’une politique aussi impuissante à se définir que molle à se manifester. Dans ce grand et singulier pays d’outre-Rhin, il semble que tout consiste à écrire des dépêches, à disserter sur l’intérêt allemand et à ne rien faire. L’Allemagne a eu, il y a quelque temps, un moment de résolution dans la mesure de son inerte tempérament, elle a laissé voir la volonté de préparer par son intervention à Saint-Pétersbourg la solution des différends de l’Europe, en inclinant l’esprit de la Russie vers les concessions et la paix. Cette résolution n’a point tardé à s’évanouir, et après s’être un instant rapprochés de l’Occident, les états germaniques ont opéré un mouvement de retraite. Le roi de Bavière se félicitait récemment, dit-on, de ce que son premier ministre, M. Von der Pfordten, était rentré dans la vérité en devenant moins occidental. Ces dispositions des cours germaniques secondaires ont été surtout encouragées par la Prusse, qui s’est montré assez notoirement, défavorable aux dernières propositions L’Autriche est donc restée et reste seule en Allemagne à soutenir naturellement les conditions qu’elle a elle-même adoptées. L’Autriche dit-on, s’est montrée dans ces derniers temps ferme et presque belliqueuse. C’est à elle qu’on attribue principalement la pensée de l’une des stipulations les plus graves, celle d’une cession de territoire au bas du Danube. Le rôle de l’Autriche dépend nécessairement désormais de la résolution du cabinet de Pétersbourg. Si la Russie accepte nettement la transaction qui lui a été proposée, le cabinet de Vienne aura certes fait preuve d’une dextérité diplomatique qui ne sera pas d’ailleurs sans profits positifs inscrits dans le traité de pacification. Si la Russie déclinait les ouvertures qu’on vient de lui faire, ou si elle n’avait d’autre but que d’arriver par des moyens évasifs à des négociations inutiles, les obligations de l’Autriche deviendraient alors évidemment d’autant plus impérieuses, d’autant plus invincibles. L’Autriche a pu mettre jusqu’ici son habileté à prolonger un état où elle reste libre de choisir le moment de l’action, tandis que la Russie, même en la sachant hostile, ne peut prendre l’offensive à son égard sans rencontrer devant elle l’Allemagne tout entière ;