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comme au crédit foncier. Je voudrais enfin que, quand le père de famille juge à propos de disposer par acte entre-vifs ou par testament en faveur de l’un de ses enfans, les immeubles qui excéderaient la quotité disponible ne fussent sujets à réduction qu’au-dessus d’un certain minimum de valeur, 10,000 francs, je suppose ; l’Allemagne pourrait fournir sur ce point des exemples utiles, sinon à suivre, du moins à consulter. Je n’ai pas la prétention d’indiquer ici tout ce qui est possible ; j’ai voulu seulement montrer que, sans rien changer aux fondemens de notre droit, on peut atténuer les fâcheuses conséquences qu’il amène quelquefois. J’accepte le principe du partage égal, je n’en ai pas le fanatisme ; le code est évidemment tombé dans l’excès, combattons l’excès et non le principe. Aucun changement ne devrait avoir lieu, dans tous les cas, qu’après une enquête solennelle qui comprendrait tous les intérêts. En attendant, la jurisprudence, qui depuis quelques années semble avoir pris à tâche d’aggraver encore les conséquences du droit rigoureux en proscrivant jusqu’aux lots d’attribution autrefois usités, suffirait presque, si elle suivait d’autres principes, pour empêcher une grande partie du mal, en s’appuyant sur les articles du code les moins favorables à la division des immeubles, car il y en a.

Parmi les effets de la loi de succession, il en est un qu’on ne saurait condamner trop énergiquement : c’est la division parcellaire. Ici je suis tout à fait de l’avis de M. Le Play, quand il mentionne avec éloges les mesures légales prises dans quelques états allemands pour y porter remède. Une commission locale présentant toutes les garanties désirables est chargée d’estimer la valeur de chaque parcelle et d’opérer ensuite une nouvelle répartition, en lots aussi peu nombreux que le permettent les droits de chacun, la nature du sol et des cultures. L’expérience démontre qu’après ce remaniement, chaque propriété, devenue plus compacte, exige moins de frais de culture, et que la valeur vénale en est augmentée. Quand un pareil jubilé aurait lieu en France tous les vingt ans, je n’y verrais que des avantages ; on a fait déjà chez nous, avant 1789, plusieurs opérations semblables qui ont parfaitement réussi. Il n’y aurait non plus, ce me semble, aucune objection sérieuse à dispenser de tous frais l’échange des parcelles dont l’étendue n’excéderait pas un demi-hectare, ou même leur acquisition pure et simple par les propriétaires contigus ; ce ne serait que le retour vers un principe qui a été déjà posé une fois par la loi.

Les autres réformes désirées par M. Le Play sont plus difficiles à saisir, parce qu’elles sont plus confusément exprimées ; elles peuvent se réduire à trois : le développement du principe d’association, la répression de la mauvaise concurrence, le patronage.