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réunies à dessein pour satisfaire aux exigences du goût, généralement plus délicat, des habitans de nos grandes villes[1]. On a parfaitement constaté par exemple que la chair du veau ne peut être obtenue à la fois tendre, suffisamment ferme, blanche, avec l’agréable arôme qui la caractérise en France, si le jeune animal n’a pas été nourri exclusivement de lait pendant un temps assez long, deux, trois, quatre mois et même davantage. On pousse les précautions et les soins minutieux à cet égard au point de tenir la bouche des veaux soumis au régime spécial de l’engraissement constamment garnie, durant les intervalles qui s’écoulent entre les repas, d’une sorte de muselière en osier qui les empêche de prendre aucune autre nourriture, pas même quelques brins d’herbe tendre. Afin de prolonger suffisamment l’alimentation des veaux au lait pur, on y consacre souvent le produit de plusieurs vaches.

L’influence de l’alimentation des vaches sur la sécrétion lactée a été reconnue maintes fois aussi : le lait offrant les meilleures qualités, le parfum le plus délicat, la coloration jaunâtre, indice naturel de la présence d’une crème abondante et douce, susceptible de donner un beurre jaune, aromatique, ductile, un pareil lait ne peut être obtenu que chez les vaches nourries des plantes variées dont la réunion dans les prairies renommées de la Normandie permet la production de l’excellent beurre d’Isigny.

Lorsque la nourriture se compose au contraire presque exclusivement ou pour la plus grande partie de plantes fourragères renfermant peu de substances grasses et dépourvues d’arôme ou contenant des principes odorans désagréables, telles par exemple que les différentes variétés de choux, les navets ou d’autres crucifères, le lait obtenu sous l’influence de ce régime alimentaire est peu abondant en crème et dépourvu de parfum. Le beurre qu’il fournit en moindre proportion n’offre que des qualités inférieures : sa coloration blanchâtre, sa consistance trop grande, son peu d’arôme ou même son odeur particulière le déprécient évidemment. Sans nul doute, l’immense développement des cultures de turneps (navets de Suède) dans la Grande-Bretagne, en faisant dominer cette sorte de

  1. C’est la quantité surtout, c’est l’abondance des produits que recherchent les éleveurs anglais. On amène chaque semaine, au marché de Smithfield, en moyenne :
    ¬¬¬
    5,000 bœufs on vaches, représentant pour l’année 260,000
    900 veaux. — — 40,850
    40,000 moutons, — — 2,800,000
    1,000 porcs, — — 52,000


    Les importations d’animaux des différentes races étrangères, graduellement accrues depuis 1846, se sont élevées, pendant l’année 1853, à 94,548 bœufs et vaches, 30,705 veaux, 259,420 moutons, et 12,757 porcs vendus en Angleterre.