Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/617

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disponible pour les animaux ; elles en diminuaient plutôt la quantité, car plusieurs d’entre elles, au lieu d’utiliser les râpes elles presses des sucreries et de recueillir les pulpes exprimées, faciles à conserver en silos durant douze et dix-huit mois, traitaient par des macérations et des lavages à grandes eaux les racines découpées en tranches ou petits prismes. Le résidu, dans ce cas, trop aqueux pour être facilement transporté ou conservé, obtenu d’ailleurs en trop grandes masses sur quelques points, ne pouvait être distribué en temps utile, faute d’un nombre suffisant d’animaux réunis dans le même lieu ; il était en partie perdu ou mal utilisé comme engrais des terres. Bientôt des inconvéniens graves furent signalés aux environs de ces distilleries, et motivèrent des mesures justement sévères dans plusieurs départemens. En effet, les liquides dépouillés d’alcool par la distillation, — résidus que l’on désigne sous le nom de vinasses, qui représentent les quatre-vingt-dix centièmes à peu près du jus fermenté, et que les distilleries de betteraves rejetaient au dehors, — ces liquides, faute d’écoulement rapide, formaient aux environs des usines des mares stagnantes susceptibles de se putréfier et de répandre des miasmes infects. Dans les pays de plaines surtout, ces masses d’eaux putrides occasionnaient, par leurs émanations très incommodes et insalubres, de justes plaintes de la part des habitans du voisinage, et lorsque les distilleries de ce genre venaient à se multiplier dans une contrée, elles menaçaient de compromettre sérieusement la santé publique.

Tous ces inconvéniens si graves, — la déperdition d’une grande partie d’une substance nutritive de la betterave, — la production d’émanations infectes, incommodes et insalubres, — disparaissent lorsqu’on substitue aux divers moyens usuels de distillation des betteraves le procédé nouveau imaginé par M. Champonnois. Ce procédé, loin d’amoindrir les proportions des matières nutritives que donnaient les résidus des sucreries, y ajoute au contraire les substances qui dans le jus accompagnent le sucre, et qui, lorsque l’on extrait ce principe immédiat, passent dans les écumes et dans les mélasses. Le procédé nouveau offre en outre cet avantage important, qu’il peut être facilement introduit dans les fermes de 200 à 1,000 hectares, qu’enfin les exploitations d’une moindre importance sont en mesure de réaliser elles-mêmes, par des associations analogues aux laiteries, les avantages de cette opération à la fois agricole et manufacturière.

L’idée fondamentale et vraiment neuve sur laquelle repose l’invention de M. Champonnois consiste dans l’emploi de la vinasse au