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pour conférer le sacrement qui enlève toutes les souillures, ils pénétraient jusqu’aux genoux dans une boue liquide que la plume sans scrupules d’un Voltaire oserait seule nommer. Une autre fois, ils voyaient des lumières innombrables s’allumer autour d’eux et des yeux enflammés les regarder sous le feuillage : c’étaient des gamins qui avaient illuminé des gourdes. Les plaisanteries étaient souvent plus sérieuses. Ainsi il n’était pas rare qu’un mormon fût engoudronné, emplumé, et monté sur un âne la tête tournée du côté de la queue. Si l’on était en hiver, on creusait un trou dans la glace, et on faisait prendre un bain russe à l’apôtre, ou bien on le roulait dans la neige jusqu’à ce qu’il présentât une image assez complète du globe terrestre. Les frères étaient-ils rassemblés en prières, on voyait tomber par la fenêtre un ballon enflammé qui éclatait au milieu de l’appartement avec une détonation terrible, et accouchait en crevant d’une multitude de fusées et de pétards qui s’en allaient sifflant dans toutes les directions. Ces vexations étaient continuelles. S’il est vrai que parfois les mormons aient volé les poules et les moutons de leurs voisins, ces derniers le leur rendaient bien. Dans tout cela, il n’y a, comme on le voit, rien de bien poétique, et il a fallu la tragédie de Nauvoo pour donner à la secte une espèce de consécration et d’auréole de martyre.

Nous croyons avoir expliqué avec impartialité les qualités et les défauts de Smith ; nous voudrions rendre encore plus sensibles au lecteur nos observations, et nous trouvons justement dans les livres publiés sur le mormonisme plusieurs épisodes qui servent à illustrer d’une manière assez frappante le caractère de Smith. Parlons d’abord du charlatan. Smith avait le don des miracles, et il est le seul de sa secte qui l’ait eu. Il ne l’a pas transmis à ses successeurs, sans doute afin qu’on sût que de même qu’il n’y a qu’un Dieu, il n’y a eu et il n’y aura sur la terre qu’un Joseph Smith. Nous empruntons le récit d’un miracle de Smith au curieux livre intitulé la Vie des Femmes chez les Mormons, publié récemment par une dame de Boston, femme non spirituelle, paraît-il, d’un ministre (elder) mormon. La scène, à quelques incidens près, ressemble à une séance de magnétisme ; toutefois elle a cet intérêt qui s’attache à toutes les scènes où le surnaturel vrai ou supposé est en jeu. Smith va ressusciter une jeune fille morte.


« Smith commença à parler, et alors le plus complet silence s’établit. Son discours roula sur la nature des miracles et la promesse faite par le Christ à ses disciples que des pouvoirs miraculeux leur seraient continués jusqu’à la fin du monde. J’observai qu’il citait beaucoup plus souvent les Écritures hébraïques que le Livre de Mormon, et j’en fis la remarque à mistress Bradish.

« — Il n’y a rien d’extraordinaire, me répondit-elle, puisque la plupart