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pondre par cette question incongrue : « Quelle chambre, maman ? » Mais Anifé était une jeune fille fort intelligente pour son âge, et qui lisait couramment dans la pensée de sa mère. Aussi, loin de provoquer le moindre éclaircissement, elle répondit : — Oui, ma mère, je sais bien. — Et elle partit. Anifé débuta, comme sa mère le lui avait commandé, par la chambre de la vieille aïeule, à laquelle elle fit part en passant de l’heureuse révolution survenue dans l’état de son petit-fils. Elle s’informa ensuite de ce qu’était devenue Emina : ni la malade ni les femmes qui la servaient ne purent rien lui apprendre à ce sujet. Une femme introuvable dans un harem est un phénomène propre à y répandre l’étonnement et même l’inquiétude, car il n’y a que la citerne qui puisse abriter une femme turque en pareil cas. Les esclaves se répandirent dans les divers recoins du harem ; mais ils furent dispensés de trop prolonger leur recherche. Dans la première pièce que l’on visita, on trouva Emina à la même place où nous l’avons laissée, étendue sur le divan, passant tour à tour d’un évanouissement à des spasmes cent fois plus douloureux. On l’entoura, on la déshabilla, on lui jeta de l’eau au visage, on lui tapa dans les mains, on l’accabla de questions qu’elle n’entendait seulement pas ; rien ne fut négligé. Enfin, lorsqu’il fut constaté que la pauvre enfant était réellement fort malade, on la laissa tranquille. Un lit fut préparé, on l’y plaça, la négresse demeura auprès d’elle pour en prendre soin, et les autres femmes s’en allèrent vaquer à leurs affaires. La maladie d’Hamid-Bey avait frappé trop vivement toutes ces imaginations féminines, pour qu’une autre maladie, survenue à une époque si rapprochée de la première, pût prétendre à causer des impressions semblables.

Anifé se trouvait pourtant assez embarrassée. Elle ne savait comment il conviendrait à sa mère de présenter au bey l’accident arrivé à Emina. Elle résolut, dans sa perplexité, de ne lâcher que le peu de mots indispensables, et de s’en référer pour le reste à la physionomie si expressive d’Ansha. Quand elle rentra dans la chambre du bey, celui-ci demanda, non sans impatience, pourquoi elle avait tant tardé, et ce qu’elle avait fait d’Emina ? Anifé s’excusa en assurant que l’aïeule l’avait retenue auprès d’elle pour avoir des nouvelles d’Hamid. — Quant à Emina, je ne l’ai pas ramenée, dit-elle, parce qu’elle est souffrante.

— Et qu’a-t-elle ? interrompit vivement Hamid.

— Je ne sais. Elle dit qu’elle est souffrante, sans expliquer de quel mal.

— Je vais voir ce qui en est, s’écria Ansha en se levant, et je te donnerai ensuite des nouvelles exactes de son état.

Et là-dessus la chaste épouse, qui tenait à n’apprendre au bey