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du vainqueur. Le château fut rasé, les machines de guerre détruites, la haie brûlée et nivelée, et Charlemagne dépêcha le jeune roi d’Aquitaine, son fils, pour annoncer à la reine Fastrade le double succès qui inaugurait si bien la campagne.

Un second cercle, placé à quelque distance au-dessous de Vienne, ne fut emporté qu’après une grande bataille, et les Franks ne trouvèrent plus de résistance jusqu’au Raab. Cette rivière et les marais du lac Neusiedel servaient de fossé à un troisième rempart bien garni de tours et défendu près du confluent de la rivière par la forte place de Bregetium. Charlemagne, n’osant l’attaquer de front, franchit la rivière dans un lieu où elle était guéable, força la haie et tourna la place, qui se rendit à son approche. Pendant ce temps-là, le comte Theuderic enlevait de l’autre côté du Danube un rempart construit le long du Vaag et reliant le fleuve aux Carpathes. Les deux corps de l’armée de terre avaient glorieusement rempli leur tâche ; ce fut le tour de la flotte. Entre les embouchures du Vaag et du Raab, situées presqu’en face l’une de l’autre, le Danube, gêné par les atterrissemens que ces deux rivières roulent incessamment dans son lit, se divise en plusieurs bras et forme sept îles, dont la plus grande et la plus septentrionale n’a pas moins de vingt lieues de long sur six de large. Ces îles, couvertes de joncs et de. saules, entrecoupées de marécages et de fondrières et sans routes certaines, avaient servi d’asile aux habitans accourus des deux rives avec leurs propriétés et leur bétail. Les Huns s’étaient même retranchés assez solidement dans la plus grande, qui présentait des bords élevés et un accès difficile ; mais ils avaient compté sans la flotte, qui commença par les bloquer, et les attaqua ensuite de vive force. Le siège dura trois jours. Après beaucoup de sang versé, les Huns se rendirent, et l’on trouva dans leur enclos un amas considérable de grains et des troupeaux sans nombre ; les habitans, hommes, femmes, enfans, furent réduits en servitude. Ce dernier fait d’armes ne se lit pas dans les historiens contemporains, d’ailleurs très laconiques, mais il est attesté par une tradition constante, que sa vraisemblance nous permet d’accepter, et que j’ai reproduite telle qu’elle se racontait au XVe siècle.

De son côté, le jeune roi d’Italie n’était pas resté oisif. Son armée, composée en majeure partie de Lombards et de Frioulois, et qui comptait un évêque parmi ses généraux, s’était portée, suivant ses instructions, directement sur la Pannonie inférieure, pour prendre la Hunnie en flanc et se rejoindre au corps d’armée de Charlemagne. Arrivée au sommet des Alpes le 28 août, elle en était descendue probablement par la vallée de la Drave, pour pénétrer, entre cette rivière et la Save, dans ce qu’on appelait la presqu’île sirmienne. Là elle s’était trouvée en face d’un des rings intérieurs, qui contenait