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faits depuis la renaissance, tout réels qu’ils étaient, n’auraient pas autorisé la médecine à contredire directement les opinions accréditées, et surtout ne lui auraient pas permis d’y substituer les siennes, si une autre circonstance n’avait concouru. De grands événemens s’étaient accomplis dans le domaine de la science : l’astronomie, la physique et des essais très réels de chimie modifiaient profondément l’ensemble des idées sur l’ordre et le gouvernement des choses, et tendaient à écarter loin des phénomènes les agences surnaturelles. C’est cette coïncidence qui favorisa la tentative hardie de la médecine. Quand les hommes éclairés virent d’une part que la sorcellerie était impuissante à tenir ses promesses et à garantir ses adeptes, et d’autre part qu’on leur offrait une explication non-seulement satisfaisante, mais concordante avec l’ensemble des idées scientifiques, ils laissèrent celles de la vieille doctrine, et les bûchers ne s’allumèrent plus. Noble et éclatant service, qui ne doit pas être oublié parmi ceux qu’a rendus et que rend tous les jours la médecine !

Quelques traits généraux montreront sur quoi elle se fonde. Toutes les fois que se sont présentés les phénomènes dont il s’agit, il s’est manifesté aussi sur les personnes qui y étaient agens ou patiens des dérangemens nerveux parfaitement caractérisés, si bien qu’on aurait dû dire, si la doctrine des esprits ou des démons avait été suivie jusqu’au bout, que ces êtres ne pouvaient agir que par l’intermédiaire des nerfs, exactement comme font les causes des maladies. Toutes les fois qu’un esprit ou démon s’est introduit dans le corps d’un homme, ou que des influences surnaturelles venant du ciel ou de l’enfer se sont fait sentir, il est survenu des tremblemens, des convulsions, des raideurs tétaniques, des mouvemens spontanés, des troubles dans les sens, des perversions de la sensibilité, des paralysies ; mais ces accidens sont, si je puis parler ainsi, de la connaissance du médecin : il n’y a pour lui dans tout cela rien de surnaturel. Il sait non pas ce qu’est la vie en soi, distinguons bien le genre de connaissances qui est accessible à la science positive, mais comment, cette vie une fois donnée et allumée, les actes s’en produisent et s’en manifestent ; il sait l’influence des viscères sur le cerveau, du cerveau sur les viscères ; il connaît le réseau des nerfs qui unit le centre à la circonférence, et la circonférence au centre : le lit des malades l’a familiarisé avec des désordres tout semblables, et, quand il voit un muscle paralysé ou contracté, il est disposé à chercher si c’est dans le nerf, dans la moelle épinière ou dans le cerveau que gît la cause du mal.

D’ailleurs un lien étroit unit ces effets morbides au monde extérieur, au milieu même dans lequel l’homme est plongé. Des affinités