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La conquête de la Finlande en 1809, la perte de Svéaborg, achetée par les roubles russes, et l’espérance enfin d’un meilleur et plus glorieux avenir, voilà quels traits accompagnent les témoignages suédois des derniers temps. Le livre finit par une pièce intitulée Vaticinium, la même qui fut prononcée jadis à l’une de ces réunions d’étudians Scandinaves ayant pour but de rapprocher ensemble les trois peuples du Nord. Il y avait là des jeunes gens de chacune des universités du Nord. Ceux de la Finlande manquaient seuls depuis quelques années, ou bien, si quelques-uns s’aventuraient en échappant à la police, ils étaient punis au retour. La Finlande néanmoins, la chère Suomi, n’était jamais oubliée dans ces assemblées fraternelles, et des espérances hardies, anticipant sur l’avenir, en rêvaient déjà la nouvelle conquête. « Finlande ! s’écrie M. Strandberg, tu es toujours notre sœur, et la brise qui nous vient d’Orient nous apporte les vœux de plus d’un ami. C’est de là que chaque matin nous arrivent les rayons du soleil ! Bien que nos frères soient courbés sous le joug, le langage les trahit, et, même après une longue séparation, à ce signe vous les reconnaîtrez. — Un soir, j’espère, nous ferons voile vers cette côte ; nous irons prendre au lit l’astre du jour. Nos escadrons couvriront le rivage. En avant ! Nous aurons bientôt tranché les liens qui retiennent les mains de nos frères ! — Avant le coucher du soleil, amis, le Cosaque sera gisant sur la terre. Le nom de ce jour-là sera pour nous un titre d’honneur, et le roi Charles, du haut des cieux, où il tient le solennel chapitre des braves, homme par homme, nous appellera tous, et de chaque étoile que laissera tomber sa main entr’ouverte fera pour chacun de nous une médaille d’honneur ! »

a. geffroy.


Art, Scenery and Philosophy in Europe (Art. Sites et Philosophie d’Europe), etc., par H. B. Wallace, de Philadelphie[1]. — Ces fragmens, réunis et publiés après la mort de l’auteur, révèlent un aimable enthousiasme et une chaleur d’admiration pour le beau dans l’art et dans la nature, qui dénotent un esprit sincère et bien intentionné. M. Wallace était un jeune avocat américain qui paraît s’être enflammé à première vue d’un ardent amour pour les chefs-d’œuvre de l’art et tout en même temps du désir d’exposer les lois de la beauté plastique. Son noviciat à peine commencé, il se lance dans des critiques et des théories du genre le plus ardu. Un peu plus d’expérience aurait sans doute modéré cet excès d’audace, car M. Wallace semble avoir possédé un certain sentiment de l’art aussi bien que de remarquables capacités intellectuelles, et on peut croire que cette assurance exagérée provenait plus encore d’une éducation première défectueuse que d’une disposition présomptueuse. Pour les natures bien douées, le temps et les voyages corrigent souvent ce qu’il y a d’erroné dans les enseignemens nationaux, qui, à tout le moins, tendent à circonscrire l’esprit plutôt qu’à l’élargir. Il n’est pas moins assez difficile de s’expliquer la publication d’une œuvre aussi incomplète. Nous ne prétendons pas deviner jusqu’à quel point elle peut être suffisante pour répondre aux goûts des compatriotes de l’écrivain et pour satisfaire aux exigences de leurs lumières actuelles en matière de beaux-arts ; mais en regard des vues et des idées esthé-

  1. 1 vol. in-8o, Philadelphie, Herman Horace Binney Hooker, 1855.