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le nombre peut être aussi multiplié qu’on le voudra. Il serait insensé de chercher d’autres moyens d’arriver au but dans un délai raisonnable et de reculer devant l’acquisition de tout ce matériel, quel qu’en soit le prix : il en résulte une économie d’hommes et de temps.

On objectera, au point de vue de l’entretien, les inévitables dépôts de limon ; M. Talabot a rencontré la même objection et admis pour son canal un dépôt de 73,000 mètres cubes par année. On connaît déjà notre pensée à ce sujet, et nous admettons pour notre canal un dépôt annuel de 200 à 250,000 mètres cubes, plus si l’on veut, qui seront dragués à raison d’un franc par mètre, et serviront à réduire l’étendue des lacs, dont la berge, progressivement élargie, sera plantée ou mise en culture. Plus tard ces dépôts seront employés à conquérir sur les sables de nouveaux espaces à mettre en valeur.

Enfin il est un sujet délicat, auquel on n’a jusqu’à présent accordé que peu d’attention, et dont nous croyons indispensable de parler : c’est le mode de navigation du canal. On ne saurait s’y méprendre, il y a impossibilité absolue de la navigation à la voile, surtout pour les navires d’un fort tonnage, sur le canal donné par un projet quelconque ; il fallait donc assurer une traversée régulière, dans le temps le plus bref par un moyen éprouvé. Ce moyen consiste dans le remorquage opéré par des bâtimens toueurs dont la machine agit sur une chaîne noyée au fond du chenal. On disposerait deux chaînes semblables, l’une pour l’aller, l’autre pour le retour, et de puissans remorqueurs, partant chaque jour à des heures fixes d’Alexandrie et de Suez, emmèneraient le convoi des navires qui auraient passé l’écluse, et qui d’ailleurs aideraient à l’opération par l’orientation de leurs voiles suivant le vent régnant. À 4 kilomètres par heure, le trajet se fera sur le nouveau canal en 100 heures et à des conditions fort économiques, environ 1 centime par tonne et par kilomètre. Les bateaux à vapeur eux-mêmes auront profit à prendre la remorque. On voudra bien remarquer que, sur un canal à écluses, chaque bief exigerait deux remorqueurs, ce qui serait fort coûteux, à moins qu’on ne leur fît aussi passer les écluses, ce qui serait une perte de temps ; c’est seulement sur un canal sans écluses que l’on aura tout le gain de ce procédé.

Maintenant nous est-il permis d’en venir aux avantages du projet ? Voici d’abord ceux que le nouveau canal offre à la navigation. La passe la plus éprouvée et la mieux orientée lui est assurée dans Alexandrie ; le choix du Port-Neuf pour débouché lui réserve, en cas d’encombrement, la ressource du Port-Vieux, dont l’entrée sera améliorée. D’Alexandrie à Suez, le canal ne forme qu’un seul bief. Sur plus de la moitié du trajet, la largeur normale de 100 mètres est décuplée. Et le cariai est d’eau douce, excepté par momens dans la section de Suez jusqu’aux lacs amers. Quel parcours plus commode