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à gauche, avec autant de raison, dans le cœur. Sans doute l’importance de l’organe, sa présence constante, les maladies souvent incurables dont il est le siège, la mort dont il est souvent la cause, les déterminaient. Les poètes ont moins d’imagination que les anatomistes, ils suivirent leurs indications et chantèrent le foie à l’envi : « L’amour tendit son arc, dit Anacréon, et lança sa flèche au milieu du foie. » Plus tard, on mit dans cet organe l’origine de toutes les veines, et les plus habiles y placèrent la sanguification. C’est là, pensaient-ils, que les alimens digérés se transforment en sang. On ne connaissait pas alors les vaisseaux chylifères qui portent le chyle dans la veine jugulaire, et l’on croyait que le produit de la digestion se rendait de l’estomac et de l’intestin directement dans le foie. En même temps on voyait ce viscère, gorgé de sang, donner naissance à une foule de vaisseaux chargés d’aller porter la vie dans toutes les parties du corps. Il était donc assez raisonnable d’admettre que c’était là que se formait le sang. On retrouve des traces de cette opinion dans le nom même de la substance du foie, le parenchyme (de χυειν (chuein), fundere, répandre). On pensait que, du foie, le sang s’épanchait par les veines dans toutes les parties du corps. On ajoutait, pour compléter cette théorie, et c’est l’avis d’Aristote et de Galien, que, par son voisinage de l’estomac et sa position, il entretenait la chaleur nécessaire à la coction des alimens. La bile, sécrétée par le foie et envoyée à l’intestin, était la partie excrémentielle du sang épuré, et l’on sait que les qualités diverses de ce liquide, sa nature, son abondance, son amertume, étaient la base d’une foule de systèmes de pathologie et de thérapeutique.

En 1621, Aselli découvrit les vaisseaux chylifères ou lymphatiques, et démontra que le chyle ne se rend pas directement dans le foie, mais remonte jusqu’à la veine jugulaire sans traverser aucun viscère. D’ailleurs les altérations du foie ne correspondaient pas à des altérations du sang. Il fallut bien renoncer alors aux théories des anciens anatomistes, auxquelles la découverte de la circulation vint peu après porter un dernier coup. En même temps, la structure des glandes commença d’être mieux étudiée, et l’on reconnut une analogie évidente entre le foie, le pancréas, les reins, les glandes salivaires, etc. Du moins c’était là ce que pensait Glisson et ce qu’il tenta de démontrer. Il y eut alors au XVIIe siècle, entre les anatomistes, surtout entre Bartholin et Swammerdam, une discussion qui, par le sujet et la violence, est tout à fait analogue à celle dont nous sommes témoins aujourd’hui. Des pamphlets nombreux et des mémoires furent échangés, et la lutte se termina par la victoire complète de Bartholin. Dès-lors il fut démontré qu’il n’y a rien de mystérieux dans les fonctions du foie, qu’il n’est ni le siège du