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sucre, et le vin provient du raisin fermenté. Mais la betterave, la canne, le lait contiennent du sucre : est-ce toujours la même matière? C’est là une question dont tous les détails ne sont pas très bien éclaircis. On sait qu’il y a plusieurs espèces de sucre, cinq probablement; toutefois ce nombre est encore mal fixé. Pour le moment, il suffit d’en distinguer deux : le sucre de canne et le sucre de fruits acides ou glycose[1]. Le premier se trouve dans la canne, la betterave, la carotte, le maïs, l’ananas, le potiron, qui est peut-être appelé à remplacer la betterave dans une partie de la France : c’est celui qu’on emploie dans l’économie domestique; il cristallise et se purifie facilement. Le glycose existe dans le raisin et dans d’autres fruits acides : il cristallise plus difficilement que le premier, et la saveur en est moins agréable. Enfin il y a entre les deux sucres une petite différence de composition, non pas quant à la nature des élémens, mais quant aux proportions. Lorsqu’on fait bouillir le premier avec un acide, il se change en glycose, et les réactions chimiques de tous deux sont quelque peu différentes. C’est le glycose que produit le foie et que renferme le sang des veines hépatiques. On peut l’obtenir aussi en faisant bouillir une dissolution d’amidon, de fécule de cellulose, ou, ce qui revient au même, de chiffons. Ceci est important. Jusqu’ici en effet, une opinion admise par tous les chimistes, et que M. Liebig avait énoncée le premier, c’était que les organes des animaux sont inhabiles à combiner des corps simples de manière à produire les principes immédiats qui les constituent. D’après la théorie moderne, ils les prennent tout formés dans les végétaux dont ils se nourrissent. Ainsi la plus grande partie du sang, des muscles et des organes est composée d’albumine et de fibrine. Eh bien! les animaux ne puisent pas dans leurs alimens l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, le carbone et le soufre, pour les combiner et produire ces substances. L’estomac n’est pas une sorte de magicien qui peut transformer en chair et en sang le pain, les légumes, les racines et les fruits. Tous les végétaux renferment du gluten, de la caséine et de la légumine, qui ont la plus grande analogie et presque une identité de composition avec l’albumine, la fibrine et la caséine des animaux. La transformation de l’albumine végétale en albumine animale n’a besoin que de chaleur et d’oxygène. Les alimens, soit végétaux, soit animaux, renferment donc tout formés les principes essentiels du sang et des organes, et ce n’est presque qu’une

  1. Glycose vient du mot grec γλυκυς (glukus), doux. Les chimistes disent habituellement glucose, malgré la règle de grammaire qui change dans les mots tirés du grec u en y. M. Bernard rétablit la véritable orthographe dans les composés comme glycogénique, glycogénie, glycérine, et il a raison. Nous croyons devoir, pour plus de régularité, dire aussi glycose, malgré l’usage.