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leur administre, sans s’en douter, le composé que l’on est ensuite tout étonné de retrouver dans le foie. D’après M. Figuier, là est le point faible de la théorie nouvelle, et tout le sucre décelé par les réactifs dans l’économie animale provient des alimens. C’est, on le voit, nier d’un seul coup la découverte tout entière de M. Bernard et ébranler ses expériences jusqu’en leurs fondemens.

Il est rare que pour découvrir une substance dans un liquide, on puisse isoler cette substance, la purifier, puis l’analyser et constater son identité. Ce serait là une opération longue et difficile, impossible souvent, surtout lorsqu’on opère sur des matières organiques dont la décomposition est toujours facile, ou lorsque les quantités sont très faibles. Ainsi, lorsqu’on veut chercher le sucre dans l’économie, on ne peut éliminer les trente ou quarante substances qui composent le sang, puis analyser le résidu et voir si c’est bien du sucre. On n’opère presque jamais directement et l’on se sert de liquides qui, au contact de la substance cherchée, se combinent avec elle et indiquent sa présence soit en se colorant, soit en se solidifiant, soit en donnant un précipité d’une couleur déterminée. Ces liquides portent le nom de réactifs. Pour qu’un réactif soit bon, il faut évidemment que ses réactions ne se manifestent qu’en présence de la substance cherchée, et apparaissent toujours lorsqu’il est en contact avec elle. La chimie pratique apprend à connaître ces réactifs et à les employer, c’est même là le but le plus immédiat de cette science. Ainsi certains réactifs deviennent rouges en présence du fer, jaunes en se combinant avec le plomb, verts avec de l’alcool, etc., et toutes les fois que ces changemens se produisent, on peut affirmer que du fer, du plomb, ou de l’alcool sont dissous dans le liquide essayé. Chaque substance a ainsi le réactif qui lui est propre et dont la connaissance évite au chimiste le soin, souvent impossible, de chercher à séparer du mélange le composé qu’il veut découvrir. On a cru jusqu’ici posséder un liquide excellent pour déceler jusqu’aux moindres traces de sucre de la dernière espèce. Si l’on fait chauffer du glycose avec un sel de cuivre dissous dans certaines conditions, la couleur bleue du sel disparaît, et une substance jaune se précipite au fond du vase. On avait dans ce réactif la plus absolue confiance, et toutes les fois que la réaction se manifestait, on ne doutait pas de la présence du glycose. Surtout dans le cas où il n’y avait pas de réaction et où le sel de cuivre chauffé avec un liquide restait bleu, on se croyait en droit de nier la présence du sucre de raisin. M. Figuier et en même temps que lui M. Longet, dont le travail est moins théorique, découvrirent que la réaction ne se manifeste pas toujours, même en présence du glycose, lorsqu’une substance particulière, l’albuminose, est avec lui dissoute dans le liquide étudié. Cette