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« conformément aux principes fondamentaux de la doctrine chrétienne. » Les Israélites répondent à cela que la morale est de toutes les religions, que les principes de l’Ancien-Testament, qui est la source de leurs croyances, ne diffèrent pas des principes de l’Évangile. Le débat fut orageux, et l’admission des Juifs fut repoussée à une faible majorité. Il est à croire que, si cette proposition se renouvelle dans quelques années, elle sera cette fois accueillie. Telle est en effet la marche de l’opinion en Hollande, lente, craintive, mais persistante. Nous devons d’ailleurs dire que les Israélites ont fondé depuis quelques années, sur le modèle de la société tot nut van’t Algemeen, une institution à eux qui prospère et qui rend des services, quoique sur une échelle plus restreinte. Cette division des forces n’en est pas moins regrettable ; aussi le vœu des moralistes éclairés est dès aujourd’hui en Hollande que l’action de toutes les sectes religieuses se confonde et s’élève en prenant pour base l’amour de l’humanité.

La société tot nut van’t Algemeen trace une direction à l’assistance publique. À son ombre s’élèvent des établissemens qui concourent à tempérer la misère. Le génie hollandais est ennemi des théories : il ne discute pas, il agit. Pour lui, toute bonne pensée est une œuvre. Sur le bord d’un des nombreux canaux qui coupent la ville d’Amsterdam en plusieurs îles reliées ensemble par des ponts et des chaussées, on remarque un grand bâtiment à mine sévère et imposante. Une des façades intérieures de l’édifice, tournée au nord-est, sur le Plantage, a un frontispice orné de treize figures symboliques. C’est un ouvrage de l’architecte Ziesenis. La ville d’Amsterdam, sous les traits d’une femme, protège de la main droite l’Industrie et l’Activité ; de sa main gauche, elle tient l’écusson écartelé des armoiries de la vieille cité, qu’elle oppose comme un bouclier contre la Paresse, la Misère, la Débauche et l’Extravagance. Entre l’écusson et ces figures se place un Hercule qui menace les vices avec sa massue. Toute cette allégorie de pierre est un peu froide, mais elle définit du moins la destination du monument. La maison de travail (werkhuis) ouvre un lieu d’asile pour les pauvres gens qui se trouvent temporairement sans toit et sans moyens d’existence. On n’y demeure pas, on y passe. Pour y être admis, les habitans de la ville n’ont qu’à présenter un certificat délivré par les maîtres de leurs quartiers, et qui témoigne de leur état nécessiteux. On pourrait bien envoyer ces indigens dans les colonies de bienfaisance[1] ; mais ce serait d’abord élever indéfiniment les frais de l’assistance publique,

  1. En 1818, le travail manquait. Sous la présidence du prince Frédéric, une commission s’organisa, acheta des terrains, y fit bâtir des maisons et se procura des instrumens de travail. Telle fut l’origine des colonies de bienfaisance. On commença par une cinquantaine de maisons : il en existe aujourd’hui quatre cent vingt. Ces établissemens sont placés en dehors de l’action religieuse. L’état y envoie, à titre de pensionnaires, des orphelins, des mendians, des enfans trouvés ou abandonnés. À côté des individus soumis au système répressif, il y a les colons libres. Ces derniers travaillent pour la colonie, qui en retour les nourrit et les entretient. Chaque famille demeure à part.