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des artisans de la ville. Tous les matins, ils se rendent au siège de leurs travaux, et rentrent le soir dans l’institution[1]. Le dimanche, ils portent un pantalon et une veste de couleur brune avec des boutons de cuivre, une cravate blanche, un chapeau rond et des gants. Plus d’une mère les regarde passer dans la rue avec un œil d’envie, tant ces enfans de la charité publique ont une tenue propre et convenable.

Une salle toujours aussi nue que celles où nous venons d’entrer sert de réfectoire. Il est intéressant de voir les plus jeunes élèves prendre ensemble leur repas du soir, qui consiste en un morceau de pain noir et du lait. Debout, les yeux baissés, ces enfans rendent grâce à Dieu de la frugale collation qu’ils viennent de recevoir. Il est à peu près sept heures, c’est le moment du coucher. Un dortoir faiblement éclairé par deux lampes attachées au plafond présente une cinquantaine de lits rangés des deux côtés de la salle. Les enfans se couchent deux à deux. Quand ils sont endormis, une surveillante, orpheline elle-même, continue de présider, pendant quelques heures, au bon ordre. C’est un tableau touchant, dans cette salle longue et triste, que celui de cette orpheline, en costume d’un autre temps, lisant à la clarté d’une petite lumière un livre qui nous a semblé être la Bible, et protégeant le sommeil de ses sœurs endormies sous l’œil de celui qu’on ne voit pas. À neuf heures a lieu le coucher des adultes. Les orphelins rangés dans un dortoir et les orphelines dans un autre chantent un psaume, puis récitent une prière à voix basse. Le silence, un silence particulier aux cloîtres, descend alors sur cette vieille maison, au pied de laquelle passent encore, durant la nuit, quelques barques attardées et étoilées d’une lumière.

L’établissement a un directeur qu’on appelle le père, et une directrice qu’on appelle la mère. Il ne faudrait pas d’ailleurs accorder à ce titre le sens qu’on lui donne en France : le directeur des institutions de charité est un subalterne en Hollande ; au-dessus de son autorité plane l’action de la diaconie. Pour comprendre maintenant le caractère de cette magistrature toute spéciale, il nous faut remonter jusqu’à l’organisation religieuse de la Hollande. Le protestantisme batave est représenté matériellement, dans chaque commune, par un corps qu’on appelle le consistoire. Le consistoire se compose à La Haye de onze pasteurs, de dix-huit anciens et de vingt-deux diacres. Aux pasteurs est confié le ministère de la parole ; les anciens sont préposés aux besoins spirituels de la communauté ; les diacres sont chargés d’administrer le patrimoine des pauvres. Sur ces

  1. Les garçons en apprentissage travaillent de six ou sept heures du matin jusqu’à midi, et d’une heure et demie jusqu’à sept heures du soir. Ce qu’ils gagnent appartient à l’établissement, moins un cinquième, qui leur est donné pour leurs menus plaisirs.