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Le mécanisme économique de l’établissement nous amène à préciser le but qu’on veut atteindre par ces sacrifices. Les élèves restent dans la maison jusqu’à leur vingtième année. On leur accorde alors une certaine somme d’argent et des habits, puis on les livre à la société. La moitié de cette somme est donnée au moment du départ, et l’autre moitié un an après la sortie. Les élèves, qui ont appris un état, se placent dans le monde comme ils peuvent : les garçons deviennent ouvriers, les filles entrent en service, ou exercent l’état de lingère. On cite quelques exemples d’individus qui, grâce à des facultés heureuses, se sont fait une position au-dessus du commun : un ancien élève de la maison est maintenant capitaine d’infanterie aux Indes, un autre exerce à La Haye la profession d’architecte ; mais ces exemples sont rares : l’organisation de l’établissement défend d’ouvrir aux élèves une carrière libérale. Des institutions du même genre existent dans les autres villes de la Hollande ; nous n’avons point à les décrire.

H convient maintenant de déplacer le théâtre de nos observations et de nous transporter à Amsterdam dans l’hospice des orphelins de la classe bourgeoise, Burger-Weeshuis. On y entre par deux portes qui ne manquent point d’un certain caractère architectural : l’une s’ouvre sur le Kalverstraat, et l’autre dans la rue Sainte-Lucie. La première entrée est surmontée de deux figures sculptées, lesquelles représentent un orphelin et une orpheline dans le costume qui se porte encore aujourd’hui. Au-dessus figure magistralement l’écusson de la ville d’Amsterdam. La salle dite des directeurs, regentenkamer, est ornée de quelques tableaux qui ne sont point sans mérite, et parmi lesquels on distingue les portraits des anciens régens et des anciennes régentes. On s’arrête surtout devant le portrait de la fondatrice, la dame Haasje Klaas. Autrefois cette maison était un cloître ; elle a changé de face en changeant de destination. À la solitude inutile et morne ont succédé la vie et le mouvement de la charité. Ici tous les enfans, au nombre de quatre cent soixante-et-un, sont vraiment orphelins, c’est-à-dire sans père ni mère. Pour qu’ils soient admis dans l’établissement, il faut que leurs parens aient été citoyens d’Amsterdam[1]. Les enfans reçus dans la maison appartiennent à toutes

  1. On donne ce titre à des bourgeois qui ont eu leur domicile dans la ville et qui y ont accompli les devoirs de la vie publique, comme membres de la garde urbaine (schutter) comme quarteniers (vykmeester), ou comme pompiers (brandmeester). Le corps des pompiers ne forme point à Amsterdam une arme distincte. Le service de défense contre l’incendie est fait par des habitans de la ville. Il existe un autre hospice (Diakedie-Weeshuis) pour les orphelins de la classe pauvre. Celui-ci est situé sur le cours de l’Amstel. On y remarque deux bons tableaux, dont l’un représente le dîner des élèves, l’autre la toilette des orphelins et des orphelines au moment de leur arrivée dans l’institution. J’y ai vu aussi le modèle d’un petit vaisseau : c’est le souvenir d’un orphelin qui avait fait fortune aux Indes, et qui a laissé sa fortune à la diaconie. On compte dans l’établissement 363 garçons et 389 filles.