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la porte des maisons administrées par les diaconies une Bible sculptée en pierre. Cette association d’idées n’a rien de fortuit. Les sociétés païennes regardaient peu à la condition des enfans abandonnés ou privés de leurs soutiens naturels. Le Jéhova de l’Ancien-Testament est le premier qui se soit appelé lui-même avec une sorte d’orgueil « le Dieu des orphelins. » La poésie de la charité chrétienne est sortie elle-même de ces paroles de l’Evangile : « Laissez venir à moi les petits enfans. » Cette poésie est passée avec la réformation dans les mœurs de la Hollande. L’orphelin est ici de toutes les cérémonies publiques. Dernièrement on commençait à Amsterdam l’érection d’un monument destiné à perpétuer le souvenir de l’élan national qui poussa en 1831 les armées de volontaires hollandais contre la Belgique soulevée. L’honneur de poser la première pierre fut confié à des enfans sans père ni mère, comme si la Néerlande eût voulu sanctifier son histoire par la main de l’infortune.

À côté des enfans laissés dans le monde à la merci des événemens, il y a encore les enfans disgraciés par la nature, qui seraient une charge pour eux-mêmes et pour la société, si la main de l’assistance publique, unie à celle de la science, ne les retirait de leur néant. Ici la Hollande a également organisé un système de secours qui honore le caractère et l’esprit de ses habitans.


II.

Au centre de la ville d’Amsterdam, il est une maison consacrée à l’instruction des jeunes aveugles, Instiluut tot ondenvijs van Blinden. L’histoire de cet établissement remonte aux premières années du XIXe siècle. Un Suédois, disciple de valentin Haüy, se trouvait alors dans la capitale des Pays-Bas. Il engagea un Hollandais, membre d’une des loges maçonniques d’Amsterdam, à naturaliser dans la Néerlande une des créations de la philosophie française. Cet ami en parla dans sa loge, et le conseil fut goûté. On ouvrit en 1808 une petite école d’aveugles. Le nombre des élèves était d’abord de trois, puis de quatre, puis de cinq. L’œuvre, quoique dans des conditions imparfaites et mesquines, prospéra. On reconnut que l’aveugle était un être capable d’éducation. Alors l’établissement s’accrut : les sociétés maçonniques s’intéressèrent de plus en plus à une fondation qui était leur ouvrage. Quand on compare maintenant cette humble origine à l’état actuel de l’institution, on est frappé des succès rapides qui l’ont couronnée. À mesure qu’elle grandissait, l’école des jeunes aveugles échappait aux mains de la maçonnerie : elle cessait d’être l’œuvre d’une société occulte pour devenir une œuvre nationale. Libre aujourd’hui de toute influence, indépendante de l’état, ne recevant aucun subside ni du