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plus au rétablissement de rapports meilleurs entre Rome et le Piémont.

Cette terrible question religieuse est toujours en effet l’une des plus graves pour le Piémont. Ajournée actuellement, elle se présentera de nouveau un jour ou l’autre jusqu’à ce qu’elle soit résolue. Pour le moment, le Piémont est absorbé plus exclusivement par d’autres affaires, par sa coopération à la guerre et aux négociations diplomatiques, par la pensée propre qu’il a portée dans la lutte, et qui n’est point de nature à lui faire désirer la fin des hostilités. La présence du Piémont à côté de l’Autriche n’est point certes le fait le moins curieux dans ce congrès qui vient de se réunir. L’Autriche a voulu sans doute écarter une circonstance qui aurait pu rendre ce rapprochement difficile ou pénible : On se souvient qu’il y a plusieurs années les biens des émigrés lombards, dont un grand nombre s’est réfugié en Piémont, avaient été séquestrés, et qu’il en était résulté une sorte de rupture diplomatique entre les deux gouvernemens. Le séquestre a été levé il y a peu de jours. Cette restitution, qui n’est qu’une stricte justice, paraît être soumise, il est vrai, à des conditions ; mais enfin le premier pas est fait, et l’Autriche ne reculera point probablement devant une réparation complète. Le Piémont sera-t-il en meilleure amitié avec l’Autriche ? C’est ce dont il est permis de douter. Le Piémont, il faut le dire, a une situation difficile en Italie. C’est le pays où affluent tous les révolutionnaires de la péninsule. Chacun lui trace un rôle chimérique. La meilleure politique pour lui consiste dans la modération, dans une fermeté prudente, et il faut qu’il résiste à toutes les tentations. Récemment encore, l’ancien président de Venise, M. Manin, reprenait dans les journaux de Turin une thèse qu’il a déjà développée en France. Cette thèse est bien simple : c’est tout un programme politique qui se résume en deux mots, unification et indépendance de l’Italie ! Il faut que tous les Italiens s’unissent pour l’affranchissement de la patrie commune. Quant aux moyens de réaliser cet affranchissement, il n’est point d’illusion comparable à celle que se fait l’ancien dictateur vénitien. M. Manin est persuadé qu’en théorie la république est la forme la plus parfaite de gouvernement ; mais la république est peu en honneur aujourd’hui : la maison de Savoie est populaire au contraire, c’est autour d’elle qu’il faut se grouper, à la condition qu’elle donnera l’unité à la péninsule. Le prix de ses efforts sera la couronne de l’Italie, à moins que la révolution ne la lui prenne. M. Manin n’aperçoit que deux sortes d’ennemis à ce projet, le parti piémontais, qui préfère la maison de Savoie à l’Italie, et le parti républicain, qui préfère la république à l’indépendance. M. Manin ne voit pas qu’il ne sert pas beaucoup mieux l’intérêt italien. En faisant bon marché de la république, il prouve le peu de foi qu’il a en sa chimère, et en promettant à la maison de Savoie un concours dans de telles conditions, il lui offre un appui plus périlleux qu’utile. Le roi Victor-Emmanuel n’irait point vraisemblablement aussi loin que M. Manin dans son ambition ; il se bornerait à des acquisitions plus voisines. Il est vrai qu’il serait répudié par tous les révolutionnaires, qui agiraient avec lui comme ils firent avec Charles-Albert, et c’est ce qui fait que l’Italie tourne toujours dans un cercle d’impossibilités et d’épreuves, lorsque son avenir serait dans la réalisation modérée de vœux plus pratiques et plus simples.

Le Nouveau-Monde a certes une histoire fort agitée et fort complexe où se