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premier point nécessaire est le rapprochement des parties qui s’appellent pour former un tout. Que si, ayant perdu déjà quatre de leurs provinces, il est interdit aux Roumains d’unir les deux seules qui leur restent ; s’il leur est défendu de coudre leurs lambeaux ; s’ils sont condamnés à faire revivre éternellement les rivalités, les déchiremens passés, à s’entre-choquer éternellement les uns contre les autres ; s’il s’agit d’asseoir sur la discorde le peuple renouvelé, laissons là l’idée de régénération : le problème n’a plus de sens.

IV. — le phanar.

Les nations chrétiennes, hongroise, polonaise, allemande, accoutumées à une longue domination, plutôt que d’accepter les Roumains pour égaux, ont mieux aimé en faire le butin des Turcs, par où il est aisé de penser ce qu’a dû devenir l’histoire des Moldo-Valaques. Deux grands hommes, Étienne et Michel le Brave, après eux des chefs intelligens, Basile le Loup, Matthieu Bassaraba, ont bien pu résister à la pente et tenir un état au bord d’un gouffre ; mais dès que la chrétienté se tournait en secret contre l’état formé pour la défendre, il était impossible que celui-ci subsistât. L’islamisme se déchaînait contre lui ; le christianisme restait ou indifférent ou hostile : il n’y avait plus qu’à périr.

Quand je vois quelles difficultés a trouvées cet état à se développer, je suis tenté de croire qu’il faut ajouter aux causes que je viens de dire une autre que les historiens indiquent à peine. Après la chute de Constantinople, la religion des Roumains les tient profondément isolés en Orient ; dans leur lutte contre l’islamisme, ils ne parurent guère moins haïssables aux Polonais catholiques que les mahométans mêmes. De là, entre trois religions opposées, tant de facilité à se tromper, à passer d’un camp dans l’autre. Pour que les princes aient trouvé si aisé de se jouer de leur parole, j’imagine qu’il a fallu qu’ils se sentissent déliés par leurs croyances mêmes. Au moment où Michel prête hommage au sultan, il jure à Jésus-Christ de ne pas tenir son serment. De même, quand le cardinal Bathory s’allia aux Turcs contre les Moldo-Valaques, il dut penser qu’il était délié de toute obligation envers des schismatiques, et la religion qui semblait la cause de la guerre se tournait presque invinciblement contre ces derniers.

Ce fut bien pis quand la religion ne fut plus qu’une occasion de rapines. Sous le prétexte de marcher contre l’islamisme, les Polonais passaient en Moldavie. Une fois entrés, ils n’avaient garde d’en sortir qu’ils ne l’eussent ravagée. À peine s’étaient-ils retirés, les Tartares se présentaient de l’autre côté pour se mettre à leur pour-