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allèguent onze traités de 1387 à 1569, il est bien extraordinaire que les historiens hongrois prétendent la même chose au profit de la Hongrie, dans les mêmes années et en vertu de traités tout semblables. Quelle meilleure preuve que ces titres ne valent rien ? Un peuple que deux autres peuples prétendent posséder à titre de fief et sur lequel ils ne disputent jamais, quelle belle fable diplomatique !

Aux commentaires intéressés, comparez des documens authentiques : en 1390, traité de Mircea, prince de Valachie, avec la Pologne, par lequel est stipulée l’alliance et non l’hommage. Même traité, même stipulation en 1396, et cette fois avec Sigismond, roi de Hongrie. Vous avez vu le traité d’Etienne le Grand ; on vient de retrouver le traité de commerce que Pierre VII de Moldavie fit en 1588, par son ambassadeur, avec la reine Elisabeth d’Angleterre. Le droit de souveraineté était donc reconnu alors comme incontestable ; voilà pour les puissances chrétiennes.

En ce qui touche la Porte, j’admets un moment, ce qui n’est pas, que tous les traités connus par lesquels la Moldo-Valachie a conservé son autonomie, sa souveraineté, soient perdus. Je dis qu’il est un fait plus puissant, plus visible que les traités, et qui ne souffre aucune ambiguïté. Vous demandez quelle est la condition de ces provinces à l’égard de la Porte ? Est-ce la conquête ? est-ce la prise de possession par le plus fort ? n’y a-t-il que des vainqueurs et des vaincus ? ou bien les droits des provinces ont-ils été reconnus et consacrés ? Nulle question à laquelle il soit plus aisé de répondre. Voyez dans sa forme immuable le droit musulman ; c’est lui qui répondra sans ambage. Dans tous les lieux où les musulmans ont fait une conquête, ils l’ont faite au nom d’Allah ; ils ont rattaché la terre nouvellement soumise à la terre musulmane, en la déclarant la propriété du Dieu du Koran. Voilà pourquoi le premier signe de propriété ou seulement de possession a toujours été la construction de la mosquée, marque évidente à tous les yeux que la terre conquise est devenue la terre d’Allah. C’est ainsi que partout où des musulmans se sont emparés d’un territoire, d’un royaume, ils ont commencé par faire hommage de leur victoire au Dieu de Mahomet, et ce grand acte de propriété, ils l’ont écrit sur le sol en caractères sacrés, témoin l’Espagne, l’Attique, la Morée, l’Archipel, Byzance, l’Asie-Mineure, la Serbie, la Bulgarie. Point de conquête musulmane qui ne porte cette empreinte.

Or rien de semblable dans les principautés. Par une exception éclatante, extraordinaire, les musulmans, dès leur entrée dans le pays, se sont interdit le droit d’y bâtir une seule mosquée. Depuis l’origine jusqu’à ce jour, ils ont tenu parole. Quelle démonstration plus certaine que la terre roumaine n’est pas, n’a jamais été terre