Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

financière et commerciale du pays, et qu’elles ne sont par conséquent responsables ni de ses expansions ni de ses contractions accidentelles. Ces deux réserves posées, la conduite prescrite aux banques par une crise de crédit ou par une crise monétaire s’explique d’elle-même.

Une crise de crédit se produit ordinairement à la suite d’une expansion exagérée de crédit, conséquence elle-même d’un essor excessif de la production industrielle et de la spéculation. La rareté prévue d’un produit de grande consommation, l’ouverture d’un marché nouveau, des occasions attrayantes de placement pour les capitaux, allument dans une classe d’industriels et de négocians une espérance soudaine de bénéfices qui gagne bientôt en s’exaltant la généralité des hommes d’affaires. Dans ce premier feu de la spéculation, chacun de ceux qui s’y engagent cherche à ajouter à ses ressources ordinaires celles que le crédit peut procurer, et en même temps les détenteurs de capitaux disponibles, cédant à l’entraînement, offrent aisément le concours de leurs ressources, afin de prendre leur part dans les bénéfices qui miroitent en perspective. Pendant quelque temps tout semble prospérer, et les premiers succès, donnant raison à la spéculation, la propagent et l’encouragent à de nouvelles hardiesses. Dans cette ivresse de confiance, le crédit abonde, les prix haussent, l’argent circule avec rapidité à travers les transactions, qui se multiplient en laissant des bénéfices dans toutes les mains par lesquelles il passe. Tant que dure la hausse des prix, les bénéfices continuent et la prospérité apparente se maintient. Cependant au bout d’un certain temps la hausse des prix produit deux effets qui l’arrêtent. Les hauts prix des marchandises et des valeurs de placement diminuent la valeur relative du numéraire; le numéraire, n’ayant plus dans le marché où se manifeste ce phénomène la même puissance d’acquisition sur les marchandises et sur les titres qu’il possède lorsque les prix sont bas, commence à émigrer vers les marchés qui n’ont pas éprouvé une pareille hausse : la monnaie et les métaux précieux s’écoulent au dehors par l’exportation. Pendant quelque temps encore, le crédit réussit à dissimuler le vide laissé par l’exportation du numéraire; mais il arrive un moment où les hauts prix ont épuisé les facultés de la consommation à l’intérieur et au dehors, et où l’émigration des métaux précieux est devenue assez considérable pour en relever la valeur relative par rapport aux marchandises et aux titres. Alors la baisse des prix est inévitable, et avec la baisse commencent les pertes, les faillites, les ruines. A la fièvre de la spéculation succède une autre fièvre, la panique, qui resserre le crédit au moment où il serait le plus nécessaire, contraint à des réalisations simultanées la multitude des spéculateurs