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l’escompte ni les 60 millions qu’elle a prêtés à long terme à l’état, ni les 100 millions qu’elle prête sur dépôt de rentes et de valeurs de chemins de fer. Le développement de l’escompte n’exigeant donc pas l’application de son capital, la Banque serait forcée de l’employer en prêts sur rentes et actions. Or, au point de vue économique, l’emploi d’un capital en achat de titres ou en prêt sur titres a exactement les mêmes effets, et placerait la Banque dans une position identique à sa situation actuelle. Que son capital fût représenté par des titres achetés par elle, ou par des titres gardés par elle en nantissement, elle ne pourrait le rendre disponible qu’en rejetant ces titres sur le marché, soit en les vendant, soit en retirant les sommes qu’elle y aurait placées en prêts. L’augmentation du capital de la Banque est donc un expédient sans valeur pratique contre la chance des crises monétaires ou commerciales.

On peut invoquer une autre raison pour l’accroissement du capital de la Banque, et celle-là est la bonne : c’est le devoir qui lui est imposé de multiplier ses succursales, lors même qu’elle aurait à supporter les frais de la diffusion du crédit sur tous les points importans de notre territoire. Si le capital actuel paraissait ne pas suffire aux avances de premier établissement des nombreuses succursales qui restent à établir, il faudrait se hâter d’en étendre les ressources. Il n’entrait point dans le plan de cette étude d’exposer et de discuter la fortune de la Banque comme société d’actionnaires et le mode d’administration par lequel elle se gouverne. La question de l’augmentation du capital de la Banque, par le lien qui la rattache à la nécessité de faire arriver l’organisation du crédit dans tant de localités qui en sont déshéritées, ne dépasse point la limite à laquelle nous nous arrêterons aujourd’hui. Nous nous sommes efforcé de mettre en lumière les services généraux rendus par la Banque de France, nous sommes convaincu que cet établissement peut se prêter, dans son organisation actuelle, à tous les besoins du crédit, nous croyons que ses directeurs sont disposés à en étendre progressivement sur le pays l’action fécondante, dont ils sont les dispensateurs privilégiés; mais, avant de voir le nombre des succursales dépasser de beaucoup le chiffre actuel, nous ne penserons point qu’ils aient encore assez fait pour mériter leur privilège. Certaines gens ont une façon de louer la Banque de France de sa prudence, qui fait songer à celle qui finit par lasser les Athéniens d’entendre appeler Aristide le juste. Ce n’est pas nous qui la trouverons jamais trop prudente dans la stricte observation qu’elle s’est imposée des règles du crédit commercial; mais jamais non plus, à notre gré, elle ne sera trop prompte à coloniser le magnifique empire du crédit qui lui a été départi sur la surface entière de la France.

EUGENE FORCADE.