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ils faisaient certainement des vœux, lorsque la puissance qui possédait toutes leurs sympathies a montré si peu d’égards pour leurs remontrances? Si leur participation aux travaux de la conférence était de quelque utilité pour le bien général, est-ce qu’ils n’y seraient pas entrés par la force des choses? Sans doute il est regrettable et fâcheux au plus haut point de voir un peuple honnête, laborieux, intelligent, cultivé, comme le sont les Allemands, arriver à ne pas tenir une place plus considérable dans le monde; mais à qui la faute? Est-ce à la France qu’il faut s’en prendre si les traités de 1815 ont donné à la confédération germanique une organisation telle qu’elle semble fatalement condamnée à l’inertie, et qu’en définitive ses quarante millions d’hommes ne peuvent être représentés à la conférence, tandis que les quatre millions d’habitans du royaume de Piémont y tiennent leur place, et cela en vertu de leur droit, sans avoir eu besoin de solliciter l’agrément de personne?

Toutefois, si les puissances occidentales n’ont aucune raison pour tenir compte des principautés allemandes autrement que dans la limite de leurs intérêts propres, il est un royaume qui se recommande tout particulièrement aux sympathies et à la considération de la France et de l’Angleterre. Ce royaume, c’est la Suède, qui, placée dans une situation infiniment plus délicate qu’aucun des états de la confédération germanique, a cependant fait preuve d’énergie et de bonne volonté, quoiqu’elle ne soit pas allée jusqu’à prendre place parmi les belligérans. Son adhésion à l’alliance occidentale n’en a pas moins été l’une des causes qui ont amené la Russie à composition, et s’il est certain que l’on en gardera à Saint-Pétersbourg un ressentiment que les conditions du voisinage pourront rendre pénible pour la puissance la moins forte, il faut par compensation qu’à Paris et à Londres on n’oublie pas le service rendu, et qu’on ne néglige rien de ce qui peut préserver la Suède des conséquences de son accession à l’alliance occidentale. C’est une question d’honneur qu’il doit être presque superflu de rappeler.

Nous n’essaierons point de prouver que ce n’est pas de la Turquie plus que de l’Angleterre, ou de la France, ou de la Sardaigne, ou de l’Autriche, que viendront les obstacles à la paix. Le sentiment des réparations qu’elle se croit en droit de demander à la Russie après tant et de si longues injures lui fera peut-être introduire quelques questions délicates, et c’est à elle surtout qu’il faudra pardonner la passion dans les épineux débats où son sort va se décider; mais on ne peut douter aussi que les avantages importans qui lui seront assurés par la paix, comme les conseils d’alliés qui viennent de dépenser pour elle tant d’or et tant de sang, ne la disposent à écouter la voix de la modération. Elle n’y a pas manqué l’année dernière aux conférences de Vienne, elle n’y manquera certainement pas cette année.