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REVUE. — CHRONIQUE.

fatale et si on mettra enfin un terme à cette série de compromis qui sont autant de complaisances coupables, et qui, s’ils éloignent la crise dans le présent, la préparent dans l’avenir très redoutable et très sanglante. Tout indique que le combat sera animé, et un des symptômes de ces futures effervescences est la difficulté qu’a éprouvée la chambre des représentans à élire son président. Enfin, au bout de deux mois d’ajournemens, l’abolitionisme et le nord ont triomphé par la nomination de M. Banks, qui n’est pas un noir de couleur, mais un noir d’opinion ; la politique du Nebraska-bill a été ainsi condamnée malgré les efforts des démocrates partisans du général Pierce et d’un certain nombre de know-nothing, trop désireux d’exécuter leur programme et de ne pas distinguer entre le sud et le nord. Cependant c’est l’abolitionisme qui vient aussi de triompher à Philadelphie dans la convention générale des know-nothing, où M. Millard Fillmore a été désigné comme le candidat de ce parti. Ce serait en effet un choix excellent, qui arrêterait la politique américaine sur la pente où l’a laissée glisser l’imprudence du président Pierce, et qui servirait au moins à rétablir entre le nord et le sud l’équilibre malheureusement rompu par le vote du bill de Nebraska.

CH. DE MAZADE

ESSAIS ET NOTICES.

GIOVANNI PRATI ET SES POÉSIES.

Il est dans l’histoire de l’Italie une période assez difficile à retracer : c’est celle qui s’étend de 1814 jusqu’aux approches de 1848. Les historiens en général s’arrêtent volontiers à la disparition de la domination française au-delà des Alpes, ou ne reprennent leur récit qu’à la date des mouvemens récens du peuple italien. Les trente-quatre années qui séparent ces événemens ont été presque complètement négligées. Dans l’intervalle, quelques rares brochures parurent pour rendre compte à l’Europe des tentatives avortées de 1821 et de 1833. C’étaient des notes le plus souvent écrites à la hâte, et où l’on n’aperçoit presque toujours d’autre pensée que le dessein, invariable chez tous les vaincus, de protester contre les vainqueurs. Les uns et les autres se gardent bien d’avouer leurs fautes, de dévoiler leur impéritie ; ils se gardent soigneusement surtout de confier leurs secrets à l’histoire, et de faire appel à l’impartialité de son jugement suprême. Il y a une espèce d’accord tacite entre les gouvernemens et les conspirateurs pour cacher leur pensée et leurs actes. Les uns sont circonspects et muets, parce qu’ils craignent, les autres parce qu’ils espèrent, tous parce qu’ils savent que le dernier mot de leur lutte n’est point dit. L’écrivain qui trouve devant lui le silence et le vide dans toute cette période est porté à l’inscrire en blanc dans ses annales. Ce n’est là pourtant qu’une apparence trompeuse, et si l’Italie semble endormie dans ce long intervalle, si toute action semble suspendue, c’est que la vie se déplace et se transforme. En un mot, à la place de l’ac-