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Aussi ne trouvé-je pas étrange que Porphyre ait jugé nécessaire de joindre son introduction à l’Organon, et qu’Aristote ou ses plus anciens éditeurs en aient regardé les catégories comme la première partie. Les catégories peuvent être considérées tour à tour comme des manières de penser et comme les conditions des choses. C’est sous le premier point de vue, j’en demande pardon à sir William Hamilton, qu’elles me semblent présentées dans la Logique d’Aristote. C’est sous le second qu’elles sont envisagées dans sa Métaphysique, où elles se retrouvent et où elles devaient se retrouver. Ce serait réduire singulièrement la logique que d’en faire une algèbre du syllogisme, conçue en dehors de l’esprit humain et de la nature des choses, sans indiquer le moins du monde ni à quoi elle peut servir, ni comment on s’en sert, ni comment on doit s’en servir, et nous absolvons très volontiers Aristote du reproche d’avoir traité successivement de la forme et de la matière de la science, ou pour mieux dire de la logique et de ses applications. La logique n’a été que trop souvent séparée de la raison. Il n’en faut pas donner l’exemple au moment même où on l’enseigne. Pour parler à sir William Hamilton un langage qu’il sait mieux que nous, le λόγος doit rester la substance du λογισμός.

Ceci soit dit sans entendre déprécier la rare sagacité qu’il faut pour exposer seulement, et surtout pour rectifier avec certitude les lois abstraites que suit la pensée dans ses procédés nécessaires. Sir William est éminent dans ce double travail, et son enseignement comme professeur de logique aura produit un effet bien inattendu dans notre siècle, un mouvement dans une science immobile. Il me serait tout à fait impossible, sans un appareil de scolastique « à faire peur aux gens, » d’expliquer comment il a été amené à penser, contre l’avis d’Aristote, que le prédicat, dans les propositions tant affirmatives que négatives, n’était point exclusivement de telle ou telle quantité, ou pouvait être formellement soit universel, soit particulier, comment, en réfléchissant sur la nature intime du syllogisme, il croit être parvenu à en simplifier la théorie, à construire une nouvelle analytique des formes logiques, et à concevoir une notation relativement simple, un diagramme qui les représente à l’œil par des lignes géométriques. Ces nouveautés, enseignées dans ses cours dès 1840 au plus tard, et qu’il a annoncées en 1846 dans un prospectus, ont été peu après publiées ou discutées par M. Thompson dans son Esquisse des Lois de la pensée, et surtout par M. Baynes dans son Essai sur une analytique nouvelle (1850). On les retrouve exposées et défendues dans quelques notes, et surtout dans un appendice que sir William Hamilton a joint à ses Discussions de philosophie. Avant cette dernière publication, M. De Morgan, professeur