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lequel elle s’est constituée. C’est cette immunité qui en fait la situation privilégiée entre toutes les formes de l’association commerciale, et cette immunité était la condition première de la vitalité des comptoirs d’escompte que le gouvernement provisoire voulait fonder. La vie commerciale s’arrêtait en effet parce que devant les perspectives menaçantes de la situation politique de la France, personne n’osait plus affronter les responsabilités commerciales. Qui eût eu le courage de créer des sociétés d’escompte pareilles à celles qui venaient de crouler au moment où l’on voyait des hommes tels que MM. Gouin, Ganneron, Baudon, atteints et compromis dans leur fortune personnelle par la chute des sociétés en commandite à la tête desquelles ils s’étaient placés ? Il n’y avait évidemment dans une pareille crise que des sociétés anonymes, des entreprises où le risque fût limité à la perte du capital, qui pussent remplacer les rouages ordinaires que la révolution venait de briser dans le mécanisme du crédit commercial.

Après avoir donné aux comptoirs la seule forme sous laquelle ils pussent vivre, il fallait assurer leurs moyens d’action, pourvoir à la constitution de leurs capitaux. Ici encore les circonstances ne permettaient point de compter exclusivement sur l’initiative des particuliers ; on ne pouvait espérer que les capitaux privés fournissent aux comptoirs des ressources suffisantes. Le concours de l’état était nécessaire. Le gouvernement provisoire décida en conséquence que le capital des comptoirs serait formé dans les proportions suivantes : 1° un tiers en argent par les associés souscripteurs, les actionnaires ; 2° un tiers en obligations par les villes où les comptoirs seraient établis ; 3° un tiers en bons du trésor par l’état[1].

Les principes qui déterminaient ainsi le caractère de ces établissemens intermédiaires de crédit, comme sociétés commerciales, et qui assuraient leurs ressources, furent appliqués immédiatement à la création de comptoirs d’escompte dans soixante-cinq villes. Le plus considérable de ces établissemens s’organisa promptement à Paris.

Il est intéressant de revenir sur les commencemens du Comptoir d’escompte de Paris, lorsqu’on songe aux vastes développemens qu’il a pris depuis et aux succès qui ont couronné ses modestes débuts. Les décrets constitutifs du Comptoir furent rendus les 7 et 8 mars 1848. Ils portaient que le Comptoir serait administré par une société anonyme, « dispensée exceptionnellement de l’autorisation

  1. Cet apport des villes et de l’état sous forme d’obligations et de bons du trésor ne pouvait être converti en argent et employé dans les opérations des comptoirs. Les obligations des villes et les bons du trésor devaient rester dans les caisses des comptoirs comme des garanties qui ne pourraient être atteintes que dans le cas où le capital serait lui-même entamé par des pertes.