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déposé dans la caisse du Comptoir d’escompte. Quant à ses avances directes sur récépissés, le Comptoir est suffisamment couvert par la valeur vénale des marchandises, car ses prêts sont inférieurs à cette valeur ; il en est de même encore de ses avances sur fonds publics et actions pour lesquels il ne peut prêter que les deux tiers de la valeur au cours du jour. Il n’y aurait de danger sérieux qu’à la suite d’une crise pareille à celle que l’on a vue en 1848. Dans une crise semblable en effet, le Comptoir se trouverait sous le coup de la demande immédiate du remboursement de ses comptes-courans. Il ne pourrait effectuer ce remboursement qu’en portant à la Banque ses valeurs de portefeuille ; mais la plupart de ses valeurs, provenant de prêts sur marchandises et titres, ne seraient point payées, les marchandises et les titres devenant alors irréalisables, ou ne pouvant être vendus qu’avec une perte qui entamerait sérieusement son capital. Sans doute ce serait trop exiger d’un établissement commercial que de le contraindre à régler constamment sa conduite sur la perspective d’une éventualité si exceptionnelle. Cependant, puisqu’il est né des nécessités d’une pareille crise, le Comptoir d’escompte doit moins que personne les perdre de vue.

Si l’on considère les principes du crédit commercial, la tendance que nous signalons prête à des objections plus sérieuses. Le Comptoir d’escompte devrait être exclusivement un établissement de crédit commercial. Ce crédit, comme nous l’avons déjà dit, sous la forme de l’escompte des effets à deux signatures, repose sur la circulation de la marchandise, sur l’évolution et la transformation rapide et incessante qui, à travers les degrés successifs du travail industriel et de l’échange commercial, doivent la conduire de la production à la consommation. La loi du commerce, c’est que le produit se vende le plus tôt possible, pour faire face à une production nouvelle. Ce phénomène de la vente donne naissance au crédit commercial, lequel assure la promptitude de la production nouvelle, et prévient le chômage du travail et l’interruption des échanges. Quand donc, au lieu d’escompter l’effet à deux signatures, né d’une transaction de vente et d’achat, on prête sur la marchandise ou sur un titre de propriété que l’on appelle fonds public ou action, on sort de la sphère du crédit commercial, on s’expose à contrarier les lois de l’activité commerciale.

Nous ne parlerons pour le moment que du premier cas, le prêt sur la marchandise, dans les conditions où le Comptoir d’escompte l’a fait jusqu’à présent[1]. Qu’est-ce que la marchandise sur laquelle

  1. Ces observations, pour des motifs que nous signalerons tout à l’heure, ne s’appliquent point à l’heureuse opération de crédit, le prêt sur connaissement, que le Comptoir d’escompte se propose d’inaugurer, et de développer avec les ressources nouvelles que lui donne son capital, porté à 40 millions.