Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/576

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la production quant aux ressources avec lesquelles elles agissent ; elles sont également, à un autre point de vue, sous la dépendance de la consommation. Ce sont en effet les facultés de la consommation qui déterminent le développement de la production ; il faut que la somme des produits se proportionne à ce qui peut être consommé. Les banques par conséquent, dont les opérations ont pour objet de seconder les évolutions des fonds de roulement consacrés à la production, sont tenues de mesurer leurs opérations, de les étendre ou de les restreindre suivant les ressources que présente la consommation.

Plusieurs causes peuvent amener ces ruptures d’équilibre entre la production et la consommation que l’on appelle des crises commerciales ou monétaires. Parmi ces causes, il en est une qui n’est imputable qu’aux erreurs de la spéculation industrielle et commerciale, c’est une production exagérée. Il faut s’entendre sur la portée de ce mot. À parler absolument, si l’on ne considère que la somme des produits dans ses rapports avec les besoins et la puissance de consommation des hommes, il ne saurait jamais y avoir surabondance de produits, puisque les besoins naturels et artificiels des hommes ne mettent pour ainsi dire pas de limite à leur puissance de consommation. Ce n’est que dans un sens relatif que l’on peut parler d’un excès de production. Cet excès se manifeste à l’égard de certains produits, lorsque, par suite d’une spéculation erronée, on a porté les prix de ces produits à un taux trop élevé pour qu’ils demeurent échangeables contre les autres marchandises. Dans ce cas, il arrive un moment où, pour que les produits ainsi surfaits par la spéculation puissent pénétrer dans la consommation, il faut que les prix baissent au-dessous même des prix réels, c’est-à-dire au-dessous de ce que les marchandises ont coûté à produire. Les derniers producteurs ou détenteurs de ces marchandises sont forcés alors de perdre une portion du capital qu’ils avaient avancé par spéculation dans cette branche de production, et leurs pertes, retentissant et rejaillissant de proche en proche dans toutes les régions de la communauté commerciale, amènent ces perturbations que l’on appelle des crises. Tel est le sens dans lequel nous employons le mot de production exagérée. L’expérience prouve que ces excès de production sont ordinairement accompagnés d’un développement exagéré et artificiel donné au crédit, et que ce sont ces facilités immodérées de crédit qui entraînent l’industrie et le commerce à accumuler des produits qui ne pourront être acceptés en définitive par les consommateurs qu’à un prix inférieur au coût de production. Cependant le commerce, l’industrie et le crédit ne sont pas toujours responsables de la rupture de l’équilibre entre la production et la consommation.