Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/582

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le crédit commercial. Il ne peut agir qu’avec et sur les capitaux nouveaux formés par l’épargne. Toute sa puissance consiste à appeler autour de lui ces capitaux, à les réunir et à en concentrer l’action sur les entreprises qui en exigent le concours. Le crédit commanditaire est donc tenu de proportionner ses entreprises à l’importance des capitaux que les épargnes peuvent lui fournir dans un temps donné. C’est la sa limite, comme la somme des fonds de roulement dont disposent l’industrie et le commerce est la limite des opérations du crédit commercial. Or il est plus que celui-ci sujet à dépasser sa limite. D’abord le crédit commanditaire ne peut asseoir ses prévisions sur des données’ aussi faciles à apprécier et aussi certaines que celles qui guident le crédit commercial. Les opérations du crédit commercial reposent en effet sur les ressources existantes, sur les capitaux circulans, actuellement engagés dans l’industrie et le commerce. Les évolutions des capitaux Circuians, qui passent de la production à une consommation prochaine, sont rapides ; les opérations du crédit commercial qui s’adaptent à ces mouvemens des capitaux circulans sont par conséquent à courte échéance : elles ne doivent pas s’étendre au-delà d’un horizon de quelques mois, et il est facile d’en apprécier d’avance les chances. Il n’en est pas de même des opérations du crédit commanditaire. Elles ont pour objet la création d’entreprises ordinairement très longues à établir, et dans le cas des entreprises de travaux publics, par exemple, elles embrassent des années. On ne saurait prévoir de si loin s’il sera toujours aisé ou possible de réunir au moment voulu le capital nécessaire à l’achèvement de ces opérations. Le crédit commanditaire est en outre enclin à des entraînemens qui aggravent les mécomptes auxquels l’exposent les conditions de temps assignées à l’établissement de ses entreprises. Il y a des momens où une faveur extraordinaire accueille les valeurs créées par lui. Les bénéfices éventuels que l’on se promet de ses entreprises sont escomptés par la spéculation, et alors tous les capitaux disponibles se portent sur ces valeurs, attirés par l’appât d’un gain facile et prompt. De là une surexcitation qui tend à donner au crédit commanditaire une idée exagérée de ses ressources, qui le pousse à multiplier ses entreprises, et qui a pour résultat pratique de détourner une portion des capitaux circulans de leurs canaux ordinaires. Si à ces périodes d’engouement succèdent des temps difficiles si des accidens viennent diminuer la somme des épargnes destinées à alimenter le crédit commanditaire, si des obstacles imprévus resserrent tout à coup la circulation des fonds de roulement avec lesquels opère le crédit commercial, alors les embarras de l’un de ces crédits retentissent douloureusement sur l’autre ; le capital est momentanément insuffisant.