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paralysée par les lenteurs et les accidens de la navigation. Le prêt sur connaissement est bien un prêt sur la marchandise ; mais ce n’est plus, comme pour les avances faites jusqu’à présent sur nantissement par le Comptoir d’escompte et les sous-comptoirs, un prêt sur la marchandise inerte et dérobée à la vente : c’est un prêt sur la marchandise qui va du marché de production au marché de consommation ; c’est un prêt sur le produit qui circule. Une autre considération recommande encore cette opération de crédit. On se préoccupe beaucoup en ce moment de l’émigration des capitaux à l’étranger ; quelques-uns y voient un danger et voudraient la prévenir, d’autres réclament la liberté pour la circulation internationale du capital. Nous serions assurément pour la liberté, si nous avions à nous prononcer sur cette question. Nous ne méconnaissons point pourtant les inconvéniens de l’émigration du capital à l’étranger, lorsqu’il y est attiré par la spéculation vers des placemens fixes : l’histoire économique de l’Angleterre, après la paix de 1815, fournirait même au besoin, sous ce rapport, d’utiles enseignemens ; mais les dangers que peut présenter l’émigration du capital fixe n’existent point pour l’émigration du capital de roulement. Le capital qui va au dehors exploiter des mines peut-être chimériques, ou former des établissemens dans un pays qui n’offre pas de sécurité politique, sera peut-être détruit ; mais le capital qui va acheter un produit sur un marché extérieur ramène immédiatement sa contre-valeur : il féconde en outre le marché où il s’emploie, et y crée un débouché pour l’industrie nationale. C’est cette forme la plus sûre et la plus féconde de l’émigration du capital que favorise le prêt sur connaissement. Nous n’aurons donc que des applaudissemens à donner au Comptoir d’escompte dans la voie nouvelle où il va entrer, si, transformant ses sous-comptoirs, créés comme un expédient des mauvais jours, et les appropriant à une situation désormais régulière et prospère, il les amène à changer le gage de leurs prêts, et à substituer le connaissement au nantissement de la marchandise et du titre.


EUGENE FORCADE.