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continue dans les caractères actifs et volontaires, un enchevêtrement du zèle avec l’ambition dans les maîtres, des intérêts avec les croyances dans les sujets ; puis les rébellions morales qui s’associent aux révoltes poétiques, et la société placée entre les persécutions et la dissolution. La colonie calviniste s’était donc placée en naissant dans la situation difficile et embarrassée où tomba l’église catholique au moyen âge lorsque le spirituel et le temporel luttaient sans pouvoir s’arracher l’un à l’autre. Toutefois il est bon de remarquer les grandes différences qui distinguent dans l’histoire ces deux situations. L’église catholique partait d’un principe d’autorité ; le calvinisme était sorti d’un mouvement de liberté. L’église catholique ne s’était point identifiée à son origine au pouvoir civil ; elle s’en détachait au contraire, et son royaume n’était pas de ce monde ; ce furent de terribles catastrophes sociales qui la mêlèrent aux affaires de l’état. Ses évêques, seuls et derniers représentans du peuple, élus par lui pour être les défenseurs des cités, d’abord contre les vexations des officiers de l’empire, et puis contre les Barbares, dont ils surent gagner le respect, étaient devenus aussi les seuls et derniers dépositaires des traditions romaines. S’ils prirent position dans la féodalité, ce fut pour s’y défendre contre elle, eux-mêmes et les principes qu’ils portaient avec eux ; ils se firent législateurs contre une législation informe et violente ; ils empiétèrent sur les tribunaux pour y introduire des formes protectrices contre le droit de la force. Si plus tard les papes firent une théorie de leurs prétentions directes ou indirectes sur le temporel, cette théorie n’exprimait que des faits accomplis, acceptés et justifiés jusque-là par leur nécessité même. Mais cette confusion, produit inévitable d’une époque de débrouillement, les puritains d’Amérique l’avaient rétablie en dépit de leur époque même, de propos délibéré, et dans un esprit de système, sur ce principe, que l’église et l’état n’ont qu’un même but, qui est le perfectionnement et le salut de l’humanité, comme si l’identité du but excluait la différence des moyens et la séparation des fonctions. Ils l’établirent à une époque où la croyance imposée devenait impossible, où les révolutions accomplies, les hérésies multipliées, l’indépendance individuelle, l’imprimerie surtout, cet achoppement désormais indestructible de toute idée qui ne se persuade pas, étaient la toujours présentes pour saper l’orthodoxie officielle. Aussi vit-on ce système, si habilement conçu et soutenu avec une vigueur si opiniâtre, succomber peu à peu sous ses propres inconvéniens avant de céder aux volontés de la métropole, et la colonie finit par se modeler sur la constitution anglaise, avec une église établie, mais non plus gouvernante, à côté des trois pouvoirs du gouvernement civil. Dégagée ainsi des liens de son utopie, elle rentra