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ont tous la même lourdeur d’effet, la même tristesse, le même aspect terne et languissant[1]. Cela s’explique : la photographie, quelle que soit la couleur qu’on lui livre, n’a qu’une seule manière de la mettre en œuvre. Un seul mode d’exécution lui sert à rendre les travaux de tous genres, les variétés infinies et les caractères multiples d’un original. Là où le pinceau, le crayon, le burin exprimeraient par la diversité du faire l’espèce particulière de chaque objet, elle promène une touche toujours égale. Qu’elle ait à représenter un corps transparent ou un corps opaque, qu’il lui faille modeler une draperie légère ou une pierre, elle opérera de la même façon, et ce procédé immuable, cette uniformité de moyens en face des types les plus opposés, répandront sur toutes les parties de l’œuvre la froideur et la monotonie. Dans le fac-similé d’un dessin, c’est-à-dire d’un modèle où tout est plutôt indiqué que rendu, cette absence de souplesse est peut-être plus regrettable que nulle part ailleurs. La langueur de l’exécution contredit formellement l’idée qu’implique tout travail de ce genre ; et s’il est difficile de s’accommoder d’un tel contresens dans une pièce de quelque étendue, il est moins aisé encore de le supporter dans une vignette. À ce titre, les photographies de l’Horace ne nous semblent pas une innovation fort heureuse. Elles n’offrent pas, tant s’en faut, la variété et finesse de la gravure en taille-douce ; elles n’ont et ne pouvaient avoir l’allure dégagée, l’aisance et la précision de l’eau-forte. Que leur reste-t-il donc, que restera-t-il à toute vignette exécutée par des procédés semblables ? Une sorte d’attrait superficiel, de charme effacé, et cette harmonie négative, qui est à l’harmonie véritable ce que la faiblesse est à la modération ou la nonchalance à la douceur. Veut-on apprécier par un exemple contraire la torpeur de la photographie, que l’on jette les yeux sur la Vierge récemment gravée par M. Henriquel--

  1. Il ne sera pas inutile d’ajouter que les recherches n’ont pas eu pour objet unique, ni même pour objet principal, la découverte d’un ton plus souple que les tons obtenus jusqu’ici. La durée des épreuves, au point où se trouve encore la science, est un fait pour le moins douteux. Nombre d’images photographiques habituellement exposées à la lumière se sont détruites au bout de quelques années. D’autres, renfermées dans des portefeuilles et que l’on pouvait croire par conséquent à l’abri de la destruction, ont également fini par disparaître. D’autres enfin, tirées sur les fragmens ; d’une même feuille de papier, produites en vertu des mêmes préparations et placées ensuite dans les mêmes conditions atmosphériques, ont eu chacune un sort différent. À côté d’une épreuve qui se détériorait rapidement, une épreuve ne subissait que de lentes altérations ou même demeurait dans un état d’intégrité complète. De là les efforts de la science pour prévenir de pareils accidens et assurer une longévité égale à tous les produits de la photographie. Rien de très péremptoire n’est venu calmer, les inquiétudes que l’on avait pu concevoir sur ce point, et quant à présent du moins, la durée incertaine des épreuves photographiques est un inconvénient de plus à signaler en regard des avantages de la gravure.