Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/632

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dupont d’après le dessin de Raphaël que possède le musée du Louvre. Peut-être le savant graveur a-t-il un peu trop sacrifié à l’élégance de la manœuvre, peut-être trouvera-t-on dans sa jolie planche quelque excès de joli pour ainsi dire, quelque chose d’un peu recherché qui tend à amoindrir la grâce suprême de Raphaël. Au moins cette grâce a conservé en partie son animation ; l’art de la traduction laisse transparaître et vivre l’art exquis du modèle. Certaines restaurations que nécessitaient les dégradations produites par le temps, certains partis-pris d’effet qu’autorisaient l’altération du ton primitif et les moyens particuliers de la gravure sont venus d’ailleurs rajeunir et compléter, jusqu’à un certain point, l’œuvre de Raphaël. En revanche, que n’eût-elle pas perdu à être mécaniquement copiée ! On peut dire avec certitude qu’en passant par l’appareil photographique, cette délicatesse se fût tournée en mollesse, cette douceur d’aspect en confusion, et que nous eussions eu l’ombre des formes actuelles du modèle au lieu d’un reflet de ses beautés. Or qu’importait-il le plus de transcrire, lequel des deux semblera préférable, d’un fac-similé équivoque, purement extérieur en tout cas, ou d’un aperçu des intentions intimes que recèle le morceau original ?

Il peut arriver cependant qu’en face de certaines œuvres d’art, l’extrême abnégation de la photographie soit de mise, ou même que son impuissance à modifier la réalité cesse absolument d’être un défaut. Les monumens de la sculpture, où l’expression se subordonne en général à la pureté de la forme palpable, ont par cela même moins besoin que les tableaux et les dessins d’être reproduits par voie d’interprétation. L’imitation exacte des proportions et du modelé suffit pour leur conserver leur signification et leur caractère propres. Aussi le procédé photographique, précisément parce qu’il s’arrête à l’apparence formelle, peut-il être employé avec à-propos lorsqu’il s’agit d’obtenir l’image d’une statue ou d’un bas-relief, — sauf, nous l’avons dit déjà, les inconvéniens attachés à tout moyen de réduction qui ne permettra d’omettre ni d’atténuer aucun détail. À plus forte raison ce procédé semble-t-il approprié aux conditions spéciales de l’architecture. Dans un monument, l’expression résulte en effet tout entière de la combinaison des lignes ; tout est nettement et définitivement accusé, toute beauté réside à la surface, tout porte en dehors son élégance ou sa grandeur. À quoi bon dès lors l’intervention de l’art pour commenter ce qui s’explique de soi ? Le meilleur mode de reproduction sera celui qui laissera le plus complètement intacte la physionomie extérieure du modèle, l’image la plus précieuse sera celle où l’on pourra le moins surprendre le sentiment personnel du traducteur. Il y a donc lieu de louer et