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tion ? Qui pourrait le dire ? Ici du moins M. Michelet n’avait pas beaucoup de devanciers. Décrire les êtres créés au point de vue technique, au point de vue des sciences naturelles, ce n’est point les connaître réellement. Peu d’annalistes ont eu la fantaisie ou la bonne inspiration de recomposer ce monde inconnu, de raconter l’histoire véridique des oiseaux de leurs mœurs, de leurs passions, de leurs révolutions, de leur génie. M. Michelet a eu cette pensée, et c’est avec une vivacité charmante souvent qu’il parcourt l’échelle de l’être, depuis l’humble et lourd volatile qui se débat dans les marais, au bord de l’océan, jusqu’à la frégate à la grande envergure qui plane dans les airs, depuis l’oiseau-mouche jusqu’à l’aigle et au condor, depuis l’alouette jusqu’au rossignol. M. Michelet a découvert évidemment des palimpsestes inconnus qui lui ont révélé l’histoire véritable des oiseaux. Il sait ce que ces petits êtres méditent complotent ; il a reçu leur secret, il connaît leurs tendances leurs aspirations, leurs rêves progressifs ; peut-être même sont-ils un peu de la religion de l’auteur. Le rossignol est surtout le héros du poétique écrivain, et ici, comme dans son histoire M. Michelet recompose tout avec son esprit, avec son imagination. Le rossignol c’est l’artiste dans la plénitude de ses facultés, avec ses dons éclatans, ses passions et ses faiblesses. Ne dites, pas à M. Michelet que ces êtres charmans ont un instinct merveilleux, mais que ce n’est qu’un instinct. N’ont-ils pas aussi une âme comme nous ? là est le problème. S’il en est ainsi, n’y a-t-il pas une âme partout ? Voyez cette tige de blé qui grandit sur le sillon. Elle est aussi intelligente, car en s’élevant elle se fortifie de nœuds qui l’empêchent de se briser, elle se garnit à son sommet de barbes qui préservent le grain des atteintes de l’oiseau. Ce qu’on risque de supprimer en mettant une âme partout, c’est la providence bienfaisante qui garde le secret de l’économie admirable du monde, qui fait que l’oiseau chante, que le blé grandit, et que l’homme pense. C’est ainsi que la raison saine rectifie les doutes de l’imagination, et que, chaque chose reprenant sa place, l’ordre rentre dans la création, sans lui ôter son charme, sa splendeur et sa grâce.

C’est l’éternelle histoire des hommes et des peuples dans leur vie morale comme dans leur existence politique : les épreuves se succèdent, les problèmes, naissent les uns des autres ou se perpétuent. La paix une fois signée, que de questions ; restent encore obscures, et pleines de périls ! On a pu croire un instant que le congrès réuni à Paris pour terminer une grande querelle aurait à s’occuper d’autres affaires qui se rattachent à la situation de l’Europe, et en particulier des affaires italiennes. La difficulté est de faire naître avec à-propos une telle question au sein d’une assemblée investie d’une mission précise, et ce serait peut-être une difficulté plus grande encore de trouver une solution pratique, un système efficace adapté à toutes les convenances. Plus que jamais cependant, on peut le dire, l’état de l’Italie est digne de la considération de tous les esprits prévoyans, soit au point de vue des relations de l’Autriche et du Piémont soit au point de vue des conditions générales dans lesquelles se débat douloureusement la péninsule. Le cabinet de Vienne et le cabinet de Turin se sont trouvés un moment rapprochés dans les négociations actuelles ; ils ont travaillé à l’œuvre commune, et ils se sont fait bonne figure, il n’en faut point douter. Il ne subsiste pas moins entre les deux pays une complication des plus graves, qui n’appa-