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Le roi de Suède recevait une seconde couronne, c’était là tout le changement ; les deux pays restaient séparés et gouvernés par des lois différentes. Cette réunion avec la Suède fut proclamée par le Storthing le 20 octobre, et le 4 novembre le roi de Suède fut élu par le Storthing roi de Norvège. Tout cela se fit, non par une soumission forcée à une volonté étrangère, mais à la suite d’une délibération libre et d’un choix tout national. Ne semblait-il pas en effet que la Norvège eût fait ses conditions à Bernadotte ? Quand il voulut, pendant le stortking qui prononça la réunion, faire modifier quelques articles de la constitution d’Eidsvold, outre ceux que la nouvelle condition du pays rendait inévitables, il n’y put parvenir ; les Norvégiens tinrent bon. Et pourtant on sait quelles précautions jalouses la constitution norvégienne a prises contre la royauté, qu’elle annule presque entièrement. On connaît en particulier cette singulière disposition, toute démocratique, par laquelle une proposition renouvelée par trois storthings consécutifs (c’est-à-dire pendant neuf ans) devient loi lors même que la royauté refuserait d’y accorder son consentement. Comment donc se fait-il que Bernadotte vainqueur des maréchaux de l’empire et de Napoléon lui-même, Bernadotte se présentant au nom des puissances alliées, ait cependant accepté et proposé même des conditions si évidemment désavantageuses à la domination suédoise ? Ne pouvait-il exiger une Norvège parfaitement unie à la Suède, aussi bien que l’était jadis la Finlande ? N’était-ce pas là ce qu’on lui avait promis, au lieu d’une Norvège simplement annexée, qui ne devait fortifier en aucune façon ni enrichir la Suède ? On a dit que Bernadotte avait songé, dans cette négociation, à ses intérêts dynastiques plutôt qu’aux intérêts de la Suède elle-même. Bernadotte vivait cela est certain, dans la crainte perpétuelle d’une restauration générale des légitimités. Si une telle réaction parvenait à relever le trône des Vasas, envers qui les Bourbons et l’empereur de Russie pouvaient être fort zélés, — en bien ! la Norvège reconnaissante lui conserverait au moins une couronne. Il opposerait au droit divin l’élection populaire, — également prêt d’ailleurs à devenir une sorte de président de république en Norvège, — un roi constitutionnel à Paris, pour peu que le sort, suivant son expression, ouvrît les circonstances, — ou bien, à l’occasion, un roi absolu dans Stockholm. — Il faut ajouter que les terribles événemens de 1813 le pressaient d’en finir avec la Norvège. Il y avait si longtemps qu’il la convoitait ! Il craignait tant de voir échapper une fois encore ce présent du matin, qu’il voulait offrir à la Suède en remerciement de ce qu’elle s’était donnée à lui ! Qu’importaient les concessions présentes ? Ne trouverait-on pas au besoin les moyens de corriger les prétentions ou même les droits excessifs ?