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— Eh ! monsieur ! il est l’heure, dit-il.

N’entendant rien, Jean regarda partout, et vit M. du Rosier étendu tout de son long par terre, entre la porte et le bureau, le visage sur le tapis. — Ah mon Dieu ! s’écria-t-il. Il le souleva entre ses bras et le coucha sur un canapé. Le corps était lourd et inerte, la face rouge, et on voyait à l’angle du front une meurtrissure que M. du Rosier s’était faite en tombant. Jean perdit la tête et appela de toutes ses forces. En un instant, tout l’hôtel fut en l’air. Mme  de Fougerolles, qui avait le sommeil léger, accourut l’une des premières.

— C’est une attaque d’apoplexie ! s’écria-t-elle, quand elle vit la figure congestionnée de M. du Rosier.

En ce moment, Alexandrine, réveillée en sursaut par le tumulte qui régnait dans l’hôtel, parut dans la pièce qui précédait le cabinet.

— N’entrez pas, mademoiselle ! s’écria Jean, qui se jeta devant la porte.

Alexandrine devint toute blanche. — Mon père est mort ! s’écriat-elle.

Mme  de Fougerolles, qui n’avait jamais beaucoup aimé M. du Rosier de son vivant, la prit par la main. — C’est un grand malheur, mon enfant, dit-elle ; mais que veux-tu ? il n’écoutait personne… Cela devait mal finir…

Mais Alexandrine ne l’entendait pas. Elle regardait cette porte derrière laquelle était le corps de son père.

— Voilà donc pourquoi il a voulu qu’on ramenât Louise au couvent, dit-elle.

Un éclair traversa tout à coup son esprit ! — Le malheureux ! murmura-t-elle. Il s’est tué !

— Tué ! ton père ? reprit Mme  de Fougerolles.

Alexandrine saisit le bras de Mme  de Fougerolles : — Mais vous ne savez donc pas… Au fait, il ne l’a confié qu’à moi… Mon pauvre père était ruiné, lui dit-elle à l’oreille.

— Ruiné ! mais alors tu n’as rien ?

Mme  de Fougerolles, qui avait pris les mains d’Alexandrine entre les siennes, les laissa tomber. Mlle  du Rosier profita de ce mouvement pour entrer dans le cabinet et voir son père une dernière fois. Le corps était déjà froid. Elle se mit à genoux pour l’embrasser, mais le contact de ce front glacé lui fit mal. Elle se releva en poussant un cri et tomba évanouie.

Le bruit de la mort de M. du Rosier se répandit avec la vitesse de l’éclair dans Moulins. La nouvelle d’une révolution qui aurait renversé le gouvernement n’y aurait pas produit plus d’étonnement. — Lui, hier si bien portant ! lui, si heureux ! disait-on. Mais quand on apprit qu’il ne laissait rien de l’immense fortune qu’on lui supposait, l’étonnement devint de la stupéfaction. On comprit alors les