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prince Stirbey s’empressa alors d’écrire à Rechid-Pacha une lettre en date du 13 octobre, dans laquelle il représentait sa décision de quitter le pays comme dictée par la conviction qu’il avait acquise de ne pouvoir remplir ses devoirs envers la Porte. Cette lettre se terminait par la prière que l’hospodar faisait à Rechid-Pacha de déposer aux pieds de sa majesté le sultan l’hommage respectueux de son sincère dévouement et de son inviolable attachement à son auguste personne. La retraite des hospodars étant ainsi un fait accompli, le baron Budberg fut nommé gouverneur-général des principautés ; il eut sous ses ordres en Valachie le consul-général et conseiller d’état Khalchinski, et en Moldavie le prince Orousof.

Cependant l’armée russe, au moyen d’une partie du troisième corps d’armée, avait réparé ses vides et avait été portée à quatre-vingt-dix mille hommes, dont vingt-quatre mille de cavalerie ; elle disposait de trois cent cinquante bouches à feu. L’armée turque avait aussi été considérablement augmentée, et Omer-Pacha se trouvait à la tête de forces qui égalaient presque celles de l’ennemi. Il commença donc à harceler les Russes tout le long du Danube, et à faire des descentes à l’improviste à Kalarache, à Mokan, à Giurgevo, à Zimnitza, à Tournou et à Islas. Ces descentes étaient reçues vigoureusement par les Russes, et les pertes étaient presque toujours égales, mais elles tenaient l’armée ennemie dans une constante alerte, et mettaient le général en chef dans l’obligation de diviser ses forces. Le plan d’Omer-Pacha s’exécutait avec une suite et une fermeté qui lui font honneur, et qui en Allemagne et parmi les généraux russes mêmes, qui avaient deviné ses intentions, ont été l’objet d’une juste admiration. Il s’était retiré avec le gros de son armée dans le camp retranché de Choumla, et il avait fait passer un corps de près de trente mille hommes à Kalafat, où les Turcs avaient élevé de vastes et formidables fortifications. L’établissement des Turcs à Kalafat et la forte position qu’ils s’y étaient faite inquiétaient l’armée russe et dérangeaient les plans du prince Gortchakof, qui projetait une campagne en Bulgarie pour le printemps de 1854 ; de plus, ses desseins sur la Servie, dont il espérait beaucoup, étaient traversés. Le général en chef russe se décida donc à prendre Kalafat, et dirigea contre ce village, devenu une place forte entre les mains