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commandait le long du Danube une armée de cent quatre-vingt-onze mille neuf cent quarante-huit hommes, sous la direction suprême du prince de Varsovie.

D’après des ordres venus de Saint-Pétersbourg[1], la plus grande partie des troupes russes qui se trouvaient en Petite-Yalachie furent ramenées en-deçà de l’Olto. On ne laissa devant Kalafat qu’un petit corps d’environ quinze mille hommes commandés par le général Liprandi. Toutes les forces russes, à l’exception de ce petit corps du général Liprandi, furent concentrées sur trois points : Kalarache, Braïla et Ismaïl. De ces trois positions, on menaçait les Turcs d’un passage du Danube.

Cette difficile opération commença le 22 mars sur deux des points indiqués. Le prince Gortchakof, qui se trouvait à Braïla, dirigea en personne le passage et l’attaque contre Matchine ; le général Ouchakof fut chargé du passage d’Ismaïl à Toultcha. À six heures du matin, les Russes jetèrent les ponts au-dessus de Braïla, vis-à-vis de Gitschel et au-dessus de Matchine, sous la protection de deux bateaux à vapeur et de leurs chaloupes canonnières. Les fortifications de Matchine étaient en très mauvais état ; la garnison n’était que de trois mille hommes. Le passage ne pouvait donc pas être longtemps disputé aux Russes. Néanmoins des pertes si sensibles leur furent causées par les tirailleurs turcs et par une batterie placée devant Matchine, qu’ils ne purent achever leurs travaux le même jour. Le lendemain 23 mars, la canonnade recommença vivement contre la ville de Matchine, et dans l’après-midi une partie de l’armée russe débarqua sur le territoire bulgare. En même temps le général Lüders parvenait à jeter un second pont au-dessus de Galatz, à Zatoka, et à effectuer le passage du fleuve. La faible garnison de Matchine continuait cependant à résister aux Russes, dix fois plus nombreux, et le prince Gortchakof, qui dans la campagne du Bas-Danube a souvent montré une grande indécision, causée par les ordres divergens de sa cour et par une politique beaucoup moins belliqueuse au fond qu’elle ne le paraissait, remit l’assaut de la forteresse au lendemain, malgré les pressantes instances du général Schilder, récemment arrivé au quartier-général, qui ne voulait pas que l’on donnât aux Turcs le temps de se retirer. Ce qu’avait prévu le général Schilder arriva, et

  1. En donnant ces ordres, on avait eu égard aux conseils d’un diplomate adjoint au consul-général Khalchinski, vice-président du conseil administratif en Valachie, M. de Fonton, alors conseiller d’ambassade à Vienne, bien connu par une mission remplie en Servie, durant l’année 1853, à la satisfaction de sa cour, et par ses tendances à ménager l’Autriche. M. de Fonton était retiré à Tchorani, village de la Petite-Valachie, d’où il suivait les événemens militaires et politiques, et d’où il écrivit à son gouvernement sur la nécessité de faire repasser l’Olto au gros des corps qui occupaient la Petite-Valachie, afin de ne pas causer de mécontentement à la cour de Vienne, qui voyait d’un mauvais œil tout ce qui pouvait agiter la Servie.