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des écoles et des nationalités dans l’art musical. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, on ne rencontrait une certaine originalité d’accent mélodique et de rhythme que dans les airs de danse et les chansons populaires, fruits de l’instinct et du caprice de l’oreille. Les œuvres de l’art, soumises aux combinaisons de l’harmonie purement consonnante, étaient partout les mêmes et ne se distinguaient entre elles que par un degré plus ou moins grand d’élégance et de facilité dans le jeu des parties qui formaient le nœud du contre-point. À l’apparition du drame lyrique, de la mélodie savante et du coloris, qui permit de rendre les nuances du sentiment avec les accidens de la nature extérieure, les peuples de l’Europe purent avoir une musique nationale, comme ils avaient déjà une littérature et une civilisation qui leur étaient propres.

En Italie, l’école napolitaine, fondée par Alexandre Scarlatti au commencement du XVIIe siècle, est la fille aînée de l’école de Venise, dont elle féconda les traditions et les procédés. Né en Sicile, vers 1657 et mort à Naples en 1725, Scarlatti fut un homme de génie, qui, dans les opéras nombreux, dans les oratorios, les motets, dans les cantates et les madrigaux qu’il a composés pendant une longue et brillante carrière, a déployé une riche imagination et a su être à la fois novateur dans la mélodie, dans le récitatif, dans les détails de l’instrumentation, dont il classa les couleurs, non moins que dans l’emploi de la modulation, qui ne faisait que de naître. Il forma de nombreux élèves, parmi lesquels il faut distinguer Durante, qui peut être considéré comme le représentant le plus savant de l’école napolitaine, dont il a pour ainsi dire formulé les doctrines. Durante a été, à son tour, le chef d’une nombreuse postérité de compositeurs dont Pergolèse et Jomelli sont les plus illustres. Né à Aversa, dans le royaume de Naples, en 1714, mort dans cette même ville le 28 août 1774, Nicolas Jomelli ferme la première époque de l’école qui l’a produit. Dans son œuvre, qui se compose d’opéras, de messes et d’oratorios, Jomelli résume tous les progrès accomplis avant lui, et il ouvre à la musique dramatique une carrière nouvelle où Gluck ne tardera point à s’élancer. Piccinni, Sacchini, Traëtta, Guglielmi, Cimarosa et Paisiello sont les compositeurs napolitains qui remplissent la seconde moitié du XVIIIe siècle ; ils se distinguent bien moins par la nouveauté de l’harmonie et la vigueur de l’instrumentation, comme leurs prédécesseurs, que par le charme, la grâce de la mélodie, et le sentiment comique, dont ils expriment avec bonheur toutes les nuances.

Après la mort de Monteverde, l’école vénitienne, plus brillante que jamais, continue à développer les propriétés de notre génie national. On voit apparaître Baldassar Donati, qui a succédé à Zarlino comme maître de chapelle, auteur d’une foule de canzonette villanesque